Le pianiste français s’est distingué dans une édition à la programmation riche et audacieuse. De Messiaen à Molécule, artiste de la scène électro, le mélange des genres convainc.

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La forte chaleur n’a guère dissuadé les amateurs du clavier de goûter à la programmation très éclectique de cette édition phare qui marque les 20 ans du festival lillois. Sous l’égide de l’Orchestre National de Lille, ce rendez-vous annuel a réuni une trentaine d’artistes ainsi que trois orchestres en plein cœur de la capitale des Flandres. Le concert d’ouverture consacré à une création mondiale de l’artiste électronique, Molécule, aux côtés de l’Orchestre National de Lille, donne le ton de ces trois journées musicales où innovation rime avec intemporalité.

D’un côté, des rendez-vous musicaux où s’invitent les musiques actuelle, électro et cinématographiques, tels les déambulations de Newton Lawrence et le ciné-concert de Paul Lay autour des films muets. De l’autre côté, une panoplie de récitals et concerts autour des chefs-d’œuvre classiques, notamment ceux de Chopin, le plus universel des compositeurs, est le fil rouge de cette édition. C’est le cas du récital de Fanny Azzuro, déjà remarquée pour son intégrale des Préludes de Rachmaninov et qui puise dans le même genre pour mettre en miroir les Préludes op. 11 de Scriabine et les immenses vingt-quatre de Chopin dont le jeune russe s’est inspiré. Dialogue fascinant qui souligne les résonances entre ces deux opus, chacun d’un lyrisme inouï que la pianiste livre à travers un toucher nourri et expressif.

Crédit photo : Marco Borgreve

Nous quittons l’auditorium du conservatoire pour flâner dans le Vieux-Lille et ses ruelles pittoresques qui nous amènent jusqu’à l’étonnante cathédrale Notre Dame de la Treille où une soirée singulière nous attend. Dans la fraîcheur bienvenue de la crypte et entouré de la lumière des bougies, Bertrand Chamayou se plonge dans les harmonies liminales des Vingt regards sur l’enfant Jésus de Messiaen, œuvre monumentale que le pianiste côtoie depuis son jeune âge et qu’il nous confie d’une seule traite, au grand bonheur du public nombreux. Une interprétation magistrale qui saisit par sa profondeur, son intensité et sa beauté sublime, insufflant à ces pages spirituelles une nouvelle vie.

D’autres temps forts ont marqué cette épopée lilloise, tels les deux suites de Rachmaninov par le duo Ancelle-Berlinskaia et le récital fascinant de Denis Kozhukhin, qui confronte la violence de la sonate de Boulez à celle, ultime, de Schubert, imaginée avec la noirceur d’une tragédie grecque. En clôture, c’est le méconnu concerto de Scriabine qui est à l’honneur, interprété par Bertrand Chamayou en compagnie de l’Orchestre Symphonique d’Anvers et sa cheffe Elim Chan. Belle programmation qui n’est pas sans audace, à l’image d’un festival qui ose faire découvrir une riche diversité de répertoires à un auditoire curieux et passionné.

Lille Piano(s) Festival, du 9 au 11 juin

Crédit photos : Ugo Ponte