Il a débuté la musique par le synthétiseur. Aujourd’hui chef de chant, il a remporté un grand succès à l’amphithéâtre bastille en mai dernier en accompagnant le ténor Benjamin Bernheim. Rencontre avec un pianiste au parcours peu ordinaire.
Comment passe-t-on de débuts au synthé au métier de chef de chant ? Un parcours pour le moins atypique…
Atypique mais… non dénué de logique ! Le directeur de l’école de musique de la petite ville où je vivais, près de Poitiers, est un jour venu faire un tour dans ma classe de CM2 pour y distribuer une plaquette sur les activités de son établissement. Le synthé faisait partie des instruments proposés ; nous étions en pleine période dance à la radio : je me suis inscrit au cours ! L’enseignement était extrêmement bien structuré et motivant. Au bout de trois ans, j’ai toutefois senti que je tournais en rond au synthé et je suis passé à l’orgue au conservatoire de Poitiers. J’ai eu la chance d’y travailler avec Dominique Ferran, un très grand professeur qui nous enseignait tout le répertoire baroque (Bach, Couperin, Grigny, etc.) et nous amenait à nous produire en concert. Je faisais beaucoup de continuo au clavecin aussi, ce qui s’inscrivait dans la continuité de l’accompagnement de chanteurs que j’avais pratiqué au synthé et qui se rattache tout autant au métier de chef de chant qui est désormais le mien.
Comment justement en êtes-vous venu au piano et à votre activité présente ?
Chopin a été à l’origine du déclic. À la fin du lycée, je me suis mis à écouter sa musique tant et plus et je me suis mis au piano. Idée un peu folle ! J’étais en terminale littéraire, interne, sans instrument pendant la semaine ; tous mes week-ends étaient occupés par le piano. Inscrit en piano à Poitiers l’année suivante, je me suis retrouvé dans une situation étrange ; j’étais jeune professionnel à l’orgue et débutant au piano. Ça a été le moment de la découverte de la discipline de l’accompagnement au piano, grâce à François-Luc Chaurin, un ancien élève de Jean Koerner au CNSMD de Paris. Une révélation ! Grâce à mes expériences précédentes – et en premier lieu l’omniprésence de la basse chiffrée depuis le début de mes études – tout fonctionnait avec facilité dans une ambiance très joyeuse. J’ai vraiment éprouvé le sentiment de m’être trouvé.
Et la rencontre avec Erika Guiomar ?
Une amie m’a un jour parlé de la classe de direction de chant d’Erika Guiomar au CNSMDP. J’ai tenté ma chance et je suis entré dans sa classe en master ; trois années auprès d’une professeure unique qui offre une synthèse magnifique entre l’art et la réalité du métier. Elle arrive à valoriser chaque étudiant dans ce qu’il a de singulier et, en même temps, à lui montrer toutes les situations professionnelles dans lesquelles il pourra se trouver et comment s’y adapter. Elle fixe un idéal immense et m’a fait énormément progresser. En parallèle, j’ai travaillé avec Jeff Cohen ; merveilleuse expérience là encore, mais très différente. Jeff nous parlait d’artiste à artiste, pas de pédagogue à élève, avec une sincérité extrêmement valorisante.
Dans la foulée de la sortie du Conservatoire, vous entrez en 2020 à l’Académie de l’Opéra de Paris. Que retirez-vous des deux années qui vous y avez passé ?
L’Académie a introduit un bouleversement immense dans mon activité. Les pianistes y sont sollicités tout le temps : ils prennent des leçons, ils en accompagnent et participent à énormément de concerts. Cela m’a donné une très profitable expérience de la scène, dont je manquais jusque-là. Je sais que je suis totalement différent au sortir de l’Académie ; j’ai appris à me connaître et ai gagné en confiance en moi. Je n’étais pas pianiste en y entrant, mais je le suis en en sortant parce que, lorsqu’on est régulièrement dans une salle telle que l’Amphithéâtre Bastille, on est obligé de s’investir totalement dans ce qu’on produit, et cela porte ses fruits ! L’émulation est très positive à l’Académie : si vous accompagnez un artiste qui chante sublimement, vous avez envie de lui offrir le meilleur accompagnement possible. J’ai fait énormément de choses durant une période qui aura aussi été un tremplin pour me mettre à la direction, de chœur et d’orchestre, voie que je souhaite approfondir désormais, sans doute plus du côté de l’orchestre.

Bio express
1989 Naissance à Poitiers
1999 Premiers cours de synthétiseur
2002-2013 Études d’orgue, piano et accompagnement au Conservatoire de Poitiers
2015 Diplôme d’état de professeur de piano
2017-2020 Master de direction
de chant au CNSMDP
2019 Participation à l’Académie du Festival
d’Aix-en-Provence
2020 Chef de chant en résidence à l’Académie
de l’Opéra Bastille
2021 Chef d’orchestre assistant et claveciniste
à l’Opéra de Dijon
2022 Chef de chant et pianoforte sur Don Giovanni à l’Opéra Bastille
Actus
9-13 août
Soirées lyriques de Sanxay
(chef de chant et continuo)
Mars 2023
Récital à l’Amphithéâtre Bastille
Et quel splendide cadeau l’Académie vous a-t-elle fait en vous proposant d’accompagner un récital de Benjamin Bernheim…
Benjamin Bernheim devait donner un récital à l’Amphithéâtre Bastille pour la sortie de son disque Boulevard des Italiens et a souhaité faire appel à un pianiste de l’Académie. Il l’a fait savoir à sa directrice, qui m’a appelé et proposé de travailler avec lui pour la première fois. Deux télés, un enregistrement par France Musique et une captation pour Deutsche Grammophon, sont venus se greffer au projet ! Je me suis préparé en écoutant beaucoup ses enregistrements afin d’être totalement disponible au moment du concert, d’oublier ma partie pour capter les intentions de Benjamin. Tout est simple et évident avec lui ; il est extrêmement disponible. Ce qui me plaît dans le chant, quand c’est bien réalisé, c’est que l’on se reconnecte avec ce qui fait de nous des êtres humains.