NIVEAU MOYEN/ CD PLAGE 13
Cette pièce, sublime par son génie d’écriture et sa poésie, a été composée en 1914 alors que Lili Boulanger n’avait que 20 ans. Elle résidait à la Villa Médicis à Rome, ayant été la première femme lauréate du premier prix de Rome de musique en 1913. Le langage de Lili Boulanger qui, gravement malade, disparaîtra à l’âge de 24 ans, est unique : il a influencé le jazz, Art Tatum en particulier. D’un vieux jardin est une pièce proustienne par sa nostalgie, sa douceur, son rapport au temps et elle évoque un lieu qui pourrait être l’Illiers-Combray de Marcel Proust enfant et, plus précisément, le jardin de la maison de tante Léonie, si plein de secrets et d’histoires enfouies dans la délicatesse de sa taille humaine.
La pièce est complexe harmoniquement, mêlant déjà aux souvenirs de Fauré des accents extrêmement originaux : le premier travail consiste donc à isoler l’harmonie et à l’enchaîner dans une direction musicale horizontale, avec la pédale, pour que l’oreille puisse s’imprégner des couleurs. Le travail du chant seul avec la ligne de basse est une deuxième étape. Puis il faudra dégager les carrures pour pouvoir diriger les phrases avec du souffle comme le ferait un chanteur. Il faut prendre en compte tout de suite les riches indications de dynamique : être dans l’organicité du « tout » dès le début, les nuances étant un paramètre aussi important que les autres (notes, rythme). Intégrer les « accélérez », les « cédez », les « plus vite » qui donnent à la pièce cette sensation de rubato, de liberté et donnent toute la ferveur et l’élan, caractéristiques de Lili Boulanger. Pour finir, et en guise de lien entre la compositrice et l’écrivain, cette lettre écrite par Marcel Proust à Armand de Guiche en 1912 : « Connaissez-vous à Paris un vieux jardin démodé où il y ait beaucoup de fleurs ? J’ai la grande nostalgie de ces choses. »
La Masterclasse
D’un vieux jardin, de Lili Boulanger par Anne-Lise Gastaldi