Formée par Marguerite Long qui regrettait que sa timidité l’empêche de poursuivre une brillante carrière de concertiste, la remarquable pianiste née en 1922 consacra sa vie à la composition et à la pédagogie.

Si son nom est à jamais lié à la pédagogie musicale, Odette Gartenlaub, dont nous fêtons le centenaire de la naissance, inaugure sa vie de musicienne d’abord par le chant. Ses dons pianistiques se révèlent rapidement et elle intègre la classe prestigieuse de Marguerite Long au Conservatoire national supérieur de musique de Paris pour en sortir, à l’âge de 14 ans, couronnée d’un Premier Prix à l’unanimité.

La « fulgurance de son apprentissage » fut remarquable, souligne Jean-Michel Ferran, auteur d’un livre qui lui est consacré et dans lequel elle confie ses nombreux souvenirs (éd. Aedam Musicae, 2017). Car la fillette, ayant commencé les cours de piano à sept ans, jouait déjà le Rondo Capriccioso de Mendelssohn et le Boléro de Chopin au concert deux ans plus tard ! Pourtant, une carrière brillante de concertiste correspondait peu à son caractère timide – à la grande déception de Marguerite Long – et Odette Gartenlaub se consacra avec d’autant plus de ferveur à la composition. Choix qui ne veut rien dire de ses capacités phénoménales de pianiste, comme en témoignent ses interprétations de Schumann et Debussy, compositeurs que Gartenlaub affectionnait tant, à travers lesquelles nous découvrons le jeu intègre et raffiné d’une interprète au service de la musique. Or, c’est l’écriture musicale qui devient la voie de son expression, celle qui l’accompagnera à travers les souffrances connues par sa famille juive lors de la Seconde Guerre mondiale jusqu’à la mythique Villa Médicis, où Odette Gartenlaub, lauréate du Grand Prix de Rome en 1948, s’installe. 

Crédit photo : Fonds Sacem

De son vaste catalogue comprenant plus d’une centaine d’œuvres, l’esprit moderne et dynamique résonne à travers un langage riche ainsi qu’une recherche de timbres à la fois inspirée de l’héritage français et entièrement propre à son univers. On s’étonne de la diversité stylistique déjà évidente rien que dans ses compositions pour piano, portant chacune des idées musicales si uniques et abouties. De la poésie grisante de son Concerto pour piano (1957) jusqu’à ses Images d’Épinal (1989), ses œuvres dévoilent une approche épanouie qui porte haut la puissance de l’évocation, si palpable dans Les Caractères de La Bruyère (1991), cycle de huit miniatures. Revenons, enfin, à la vocation sur laquelle repose aujourd’hui sa réputation – la pédagogie, celle du solfège plus précisément. Troublée par la façon dont on l’enseignait jadis, dépourvue de tout aspect musical, elle mène une réforme importante qui perdurera jusqu’à nos jours. Le solfège devient la « formation musicale » ; la technicité de la matière retrouve ainsi son inspiration première. Une contribution inestimable apportée par celle que Darius Milhaud considérait comme « une musicienne extraordinaire, compositeur de talent », grand pédagogue dont l’amour pour la musique reste l’infaillible moteur.