Tout d’un grand

Les pianistes de la nouvelle génération se distinguent cette saison à la Fondation Louis Vuitton. Quelques semaines après celui, admirable, du Coréen Yunchan Lim, le talent du tout jeune Ryan Wang a fait merveille. A 15 ans seulement, le Canadien peut se prévaloir de nombreux succès dans des Concours pour jeunes pianistes, le 1er Prix du Concours International Jeune Chopin de Lugano en début d’année étant le dernier en date. Silhouette longiligne, un bon mètre quatre-vingt-cinq, le jeune homme entre en scène avec l’aisance et le naturel de celui qui rencontre le public régulièrement depuis une décennie déjà.

Sonate n° 60 Hob. XVI.50 de Haydn : impossible de tricher dans une telle partition. On y est « à poil », eût dit un grand maître. Rien d’un petit prodige aux doigts seulement agiles : d’entrée de jeu, un formidable musicien se révèle, d’un propos tout à la fois intelligent, sensible, stylé mais sans manières – et d’une prenante intériorité dans l’Adagio.

Suivent les Réminiscences de Norma de Liszt que le pianiste aborde avec des moyens supérieurement dominés. Facile de déraper et de céder à la plus dégoulinante et haïssable virtuosité dans cette pièce : ici, tout au contraire, le panache, la classe et la large palette de couleurs de l’interprète – quelle précoce et étonnante conscience de la teneur du matériau sonore manifeste-t-il ! – parviennent à un résultat aussi puissamment lyrique que digitalement électrisant.

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Fondation Louis Vuitton / Gaël Cornier

Ryan Wang poursuit avec des Chopin tardifs. Sans doute les 3 Marzurkas op. 59 semblent-elles un brin trop valsantes par moments, sans doute le Nocturne op. 62 n° 1, pris dans un tempo un peu rapide, y perd-il une part d’amertume, mais la Ballade n° 4 atteint quant à elle un sommet. Après l’amplification virtuose du bel canto chez Liszt, sa sublimation par Chopin s’exprime avec une musicalité – toujours narrative – une variété de toucher, un contrôle dynamique et une souplesse agogique proprement sidérants.

Quant à La Valse de Ravel – si souvent dévoyée qu’on en viendrait parfois à souhaiter son interdiction dans sa version pour piano solo – elle confirme par sa densité et sa portée dramatique que l’on a affaire à un interprète hors du commun.

Triomphe et trois bis : Etude op. 25 n° 11, Polonaise « Héroïque » de Chopin et … Lettre à Elise relue mode jazzy pour conclure de la plus souriante façon !

« J’y étais », diront dans quelques années les auditeurs du premier récital parisien de Ryan Wang … Notez dès à présent sur vos tablettes qu’il se produira le 22 novembre prochain au Festival L’Esprit du Piano de Bordeaux.

Paris, Auditorium de la Fondation Louis Vuitton, 31 mars 2023