Ces deux pages d’une délicatesse et d’une poésie mystérieuse sont construites sur un ostinato rythmique à la main gauche. Si Debussy récusait lui-même tout figuralisme (et a délibérément inscrit les titres de chacun de ses préludes entre parenthèses à la fin de chaque pièce, comme une suggestion), on ne peut s’empêcher d’imaginer les empreintes de pas, ré-mi (pied gauche) et mi-fa (pied droit).

La musique de Debussy demande une précision d’horloger : pour dessiner les plans sonores, doser la pédale, jouer toutes les nuances indiquées, et ici particulièrement pour garder la régularité rythmique de l’ostinato. Dès les premières mesures, faites une vraie différence entre la nuance piano de la main droite, « parlée », et la nuance pianissimo de la main gauche, « murmurée ». Comptez à la noire ou à la croche pour être sûr d’avoir le compte des quatre temps.

Travaillez aussi sans pédale pour tenir un maximum de notes longues avec les doigts, cela vous évitera d’avoir une pédale trop envahissante (par exemple, mesures 8 à 13). Jouez les ponctuations « d’interruption du discours » mesures 2, 7, 15 et 18, sortes de micro-silences qui renforceront le caractère mystérieux de la pièce. Mesures 20-21 à 25, la transformation du si bécarre main droite en do bémol donne soudain un sentiment de plénitude et d’incarnation. Debussy note d’ailleurs : « expressif et tendre », « en animant surtout dans l’expression ». Cette section reviendra ensuite mesures 29 à 32 « comme un tendre et triste regret ».

Parmi les versions à écouter : Michelangeli, Gieseking, Ciani, Monique Haas, Alain Planès…

Crédit : Eric Héliot