☞ NIVEAU SUPÉRIEUR / CD PLAGE 8
Simplicité et pudeur, telles sont les caractéristiques du thème de ce Nocturne, qui est à la fois d’une grande beauté et d’un grand dépouillement. Chopin confia à son élève Friederike Streicher : « La dernière chose, c’est la simplicité. Après avoir épuisé toutes les difficultés, après avoir joué une immense quantité de notes et de notes, c’est la simplicité qui ressort comme le dernier sceau de l’art.»1 Il faut donc jouer ce morceau avec maîtrise et simplicité, mais ce n’est pas chose facile ! Voici quelques repères pour y parvenir.
Les gestes et les non-gestes : à la m. droite, abordez la première phrase en tombant du poignet dans la première note (après l’anacrouse). Donnez l’impulsion. Puis, dès que vous êtes lancé(e) dans la phrase, gardez votre m. droite aussi immobile que possible. Rampez d’une touche à l’autre en usant d’un parfait legato. Ne bougez pas le dos de votre main. Gardez-la tranquille comme disait Karol Mikuli, un élève de Chopin.2
Main gauche : par opposition avec cette immobilité de la m. droite, la m. gauche doit effectuer un minuscule geste d’ondulation du poignet de haut en bas et de bas-haut. En effet, elle dessine une ligne au ténor (pouce) : fa-fa-mi-ré-mi-do…

Pour la jouer, relâchez votre poignet vers la fin du triolet, puis laissez-le retomber sur chaque première note du temps. Sentez la différence entre cette ondulation à gauche, et l’immobilité de la m. droite. Développez cette indépendance des mains et écoutez-vous jouer.
Pédalisation : Jan Kleczynski, disait à propos de cette œuvre : « Beaucoup de passages gagnent à être joués sans l’emploi d’aucune pédale. Ainsi la première partie du Nocturne op.15,n°1. »3
Obtenez un résultat parfait sans pédale, rien que par la maîtrise de votre toucher. « Con Fuoco »: par contraste avec le début, ce passage est très véhément.
Voici un plan d’attaque pour le travailler :
1° Apprenez par la tête le squelette harmonique : la tonalité, les accords, les degrés, puis les modulations (voir exemple ci-dessus).
2° Mettez les bons doigtés, sinon c’est impossible à jouer.
3° Familiarisez votre oreille avec toutes les rencontres dissonantes : elle ne doit plus en avoir peur. Écoutez-les lentement !
4° N’asseyez pas votre main sur les degrés transitoires de la musique : IVe, IIe, VIIe degrés etc., même si la nuance générale est forte et très passionnée ! Prenez-les
vers le haut en touchant les notes, et sans jamais écraser. C’est le secret technique de ce difficile passage dramatique.
1. Rapporté par Frederik Niecks, Frédéric Chopin, l’homme et le musicien, éd. Novello, 1902
2. Rapporté par J.-J. Eigeldinger dans Chopin vu par ses élèves, éd. Fayard, Paris, 2006, p. 79
3. Jan Kleczynski, Frédéric Chopin, de l’interprétation de ses œuvres, éd. Mackar, Paris, 1880. p. 59-60