NIVEAU MOYEN /CD PLAGE 7

Richard Wagner, comme Proust, fut sensible aux chants des gondoliers: « Pendant une nuit d’insomnie, étant allé sur mon balcon vers trois heures du matin, j’entendis pour la première fois le célèbre et ancien chant des gondoliers. L’appel, rauque et plaintif, résonna dans la nuit silencieuse près du Rialto. (…) Les sensations ne s’effacèrent point de tout mon séjour à Venise, elles sont demeurées en moi jusqu’à l’achèvement du IIe acte de Tristan. »

Cette pièce contient le fameux « accord de Tristan » qui ouvre l’opéra de Wagner (ex. 1). Le voici sous sa forme originale.

Cet accord contient la superposition d’une quarte augmentée, d’une tierce majeure et d’une quarte. Voulez-vous apprendre intelligemment cette pièce ? Cherchez cet accord de Tristan: mesurez les intervalles ! Le voici, tout de même : ex. 2

Madame Verdurin disait de son jeune pianiste : « Ça ne devrait pas être permis de savoir jouer Wagner comme ça ! ». Et aussi qu’il « enfonçait à la fois Planté et Rubinstein… »* le but n’est pas ici « d’enfoncer » la technique d’Arcadi Volodos, car cette pièce fait surtout appel à l’oreille musicale : il faut écouter les dissonances et sentir où Wagner veut nous entraîner à travers les tensions de l’harmonie. Du côté de chez les musicologues, ce fameux « accord de Tristan » a beaucoup fait réfléchir : « Voir dans le premier accord de Tristan et Isolde de Wagner un accord autonome serait impardonnable car il contient des notes étrangères de caractère expressif, dont chacune se résout normalement dans l’accord réel final… »**

En des mots simples, cela veut dire que comprendre la musique consiste à chercher où vont les notes et où elles nous attirent. Où allons-nous ? Vers qui, vers quoi ? C’est pourquoi la musique est comme la vie, comme la mort : elle plonge dans un mystère insondable, où seule l’inspiration et les données du ressenti peuvent nous indiquer le chemin…

*Du Côté de chez Swann (I), éd. Gallimard de 1919, p. 255.
**Jacques Chailley, Traité historique d’analyse harmonique, éd. Alphonse Leduc, 1951

La Masterclasse

L’interprétation

 Elégie, de Wagner, par Jean Marc Luisada