S. Rachmaninov Prélude op. 3, n° 2
SUPÉRIEUR PLAGE 11

Tonalité Do# mineur ; Mesure 4 temps ; Tempo Lento indiqué. Agitato, plus angoissé et allant dans la 2e partie ; Style Postromantique. Noble, puissant, expressif… Rachmaninov  ! ; Technique Obtenir un son ample sans jamais taper. Comprendre l’harmonie et jouer selon elle. Tenir compte du relief du clavier. Plans sonores dans une même main

Ce Prélude est l’une des pièces les plus célèbres de Rachmaninov. Lui-même ne pouvait plus donner de concerts sans que quelqu’un se mette à crier dans la salle « Do# mineur ! ».

Rondeur de son : il comprend de nobles accords qu’il faut faire sonner avec rondeur, mais surtout sans jamais « taper » sur le clavier. Quand on voit un ff, on croit parfois qu’il faut tendre ses muscles et jouer brutalement (soi-disant par passion !). Rien n’est plus faux. C’est par un dosage des nuances et des plans sonores, par une conscience de l’harmonie, que l’on développe l’ampleur naturelle du son. Il faut extraire le son du piano vers le ciel et non pas l’écraser vers la terre.

Plans sonores dans la durée : ici les deux premières mesures sont indiquées ff. Jouez-les fort mais sans brutalité, en pesant avec le poids de l’ensemble de votre bras depuis l’épaule. Les mesures suivantes sont notées pp. Jouez-les sur un plan de moindre intensité. Gardez en vous le sillage sonore de ce gros do# ; suivez sa diminution à l’oreille.

Jouez selon les degrés de l’harmonie. Et maintenant, voici le grand secret technique et musical de ce Prélude : dans un morceau f ou ff, nous avons tendance à « écraser » le son, à l’asseoir vers la terre. Or, quand on joue une dominante ou un degré faible, un degré qui avance musicalement, on ne doit surtout pas plaquer la main ni le poids. Il faut se sentir comme en suspension et… aller de l’avant car c’est ce que demande la musique.

Exemple mes. n° 3 : les basses : la bécarre… sol#… Puis do#, ne tombez pas de la main sur le la (7e diminuée de l’accord sur le 7e degré), car cette harmonie est suspensive ; de même pour le sol# qui est la dominante donc, en suspension. Même fort, ne baissez pas le poignet.

Attention au relief du clavier ! Hélas, parfois le relief du clavier nous induit en erreur avec ses touches noires (hautes) et ses touches blanches (basses) Ex. mes. n° 5 : à la suite de do#-sol#-fa# ; on aboutit sur un do bécarre. C’est une harmonie en devenir (renversement du 2e degré de mi mineur), il ne faut donc pas la poser ni la sentir lourde. Hélas, nous venons d’une touche haute du clavier (fa# à la m. droite). Le réflexe serait de « tomber » sur le plan inférieur. N’en faites rien, n’asseyez pas la main, luttez ! De même ensuite : ne tombez pas sur la basse si, et cela même si nous venons d’un fa# à la m. g. C’est le secret d’un beau son dans ce Prélude !

2e partie agitato. Voyez la nuance : mf, pas davantage. Commencez doucement, ménagez-vous ! Étudiez pour doser les deux plans sonores à la m. droite : les noires ayant une hampe vers le haut doivent être tenues et sonner davantage que la partie d’alto. En vous exerçant, relevez les doigts qui ne jouent pas, afin de développer votre indépendance de ces deux parties dans la même main.

Le relief du clavier crée encore ici un danger : dans le petit motif mi-ré#-ré bécarre-do#, ne « tombez » pas de la main sur le ré bécarre (dans le « trou » de la touche blanche), car ce  bécarre n’est qu’une note de passage, il ne faut pas l’alourdir. Jouez avec le doigt sans flancher du poignet.