Au-delà du travail proprement musical sur les partitions, la maîtrise des fondamentaux de la technique du piano permet de jouer avec savoir-faire et plaisir. Pour ce numéro, notre professeur vous explique trois grands principes sur la manière d’aborder l’instrument.

Alléger son toucher

La sensation de base du toucher consiste à maintenir la touche du piano en bas, mais sans appuyer. Lorsque nous émettons une note avec le doigt, la touche du piano s’abaisse. Le marteau rentre alors en contact avec la corde. Le bout du doigt sent le fond de la touche, et on voit apparaître le bois sur la tranche de la touche de piano. ➜ photo n° 1

Deux choses se passent alors : le marteau frappe la corde puis il s’en écarte immédiatement afin qu’elle puisse continuer à vibrer, donc à sonner. Tant que notre doigt demeure au fond de la touche, l’étouffoir (ce petit feutre qui est près des cordes) demeure écarté de la corde, ce qui lui permet de continuer à vibrer, à résonner. Le son peut se prolonger puis il commence à diminuer de lui-même. ➜ photo n° 2

Dès lors, il ne nous reste que deux solutions. Soit nous enlevons le doigt de la touche : dans ce cas, la touche remonte à sa place initiale, l’étouffoir retombe et interrompt le son. Nous « jouons » un silence ! Soit nous gardons la touche abaissée avec le bout de notre doigt, et la corde reste libérée. Le son peut alors continuer à résonner, jusqu’à ce qu’il s’éteigne de lui-même.

Comprendre cela très précisément est d’une grande conséquence pour notre technique, car une troisième évidence s’impose : dès lors que la touche est abaissée et en bout de course, nous ne pouvons plus faire quoi que ce soit pour modifier le son. Que nous continuions à appuyer très fort dans la touche, ou au contraire de manière infime (juste le poids qu’il faut pour garder la touche abaissée : à peu près le poids d’une boîte d’allumettes !), cela ne change pas le son. Il est donc inutile de se fatiguer en appuyant pour rien, et alors qu’il est déjà tellement difficile de jouer du piano ! Il faut au contraire économiser son énergie, ne pas la placer où cela est inutile. Nous en tirons un grand principe de technique physique.

Règle n° 1 : en jouant du piano, dès que vous avez émis le son d’une note, il faut alléger votre doigt dans la touche afin d’éviter toute dépense inutile d’énergie. Cette sensation du fond de touche, avec l’unique poids qu’il faut pour qu’elle demeure abaissée, est essentielle pour développer l’aisance et la technique. C’est la base du toucher.

Libérer son poignet

Cette sensation du poids minimum sous le doigt étant acquise, elle permet un deuxième grand principe de technique physique : la liberté du poignet. Attention, rappelons que le versant physique de la technique n’est qu’un aspect du problème. Liszt disait : « La technique vient de l’esprit, non de la mécanique ! » En conséquence, ces principes que nous indiquons doivent seulement permettre à la volonté musicale, à la concentration, au vouloir jouer avec musicalité, de s’exprimer sans entraves physiques.

Règle n° 2 : dès que la note a été émise, la main n’étant plus entravée par un quelconque appui trop fort dans le clavier, il faut éprouver la sensation de la liberté totale du poignet. Le poignet doit pouvoir s’adapter à toutes les situations des futures notes à jouer ou à atteindre, c’est-à-dire pouvoir bouger dans tous les sens. ➜ photos n° 3, n° 4, n°5, n°6

Règle n° 3 : Attention, on parlera de « disponibilité du poignet », ou de « liberté du poignet », et non pas de gestes trop volontaires, ni trop actifs. Il faut d’ailleurs, de manière générale au piano, éviter tous les gestes inutiles. Trop de gestes sont aussi nuisibles qu’un poignet bloqué. Le poignet doit seule- ment suivre la phrase musicale, s’adapter à la nécessité des appuis de la musique et aussi permettre de respirer entre les phrases. Cette liberté du poignet est en somme un outil au service de la musique.

Éviter les gestes inutiles

Règle n° 4 : De manière générale, il faut éviter les gestes inutiles au piano. Trop de gesticulations gênent la concentration et font perdre du contrôle. Bouger beaucoup est un leurre. On contrôle mieux dans la souplesse et une relative immobilité. Entre les phrases musicales, il faut « respirer du poignet ».

Chopin conseillait à une de ses élèves de « lever le poignet pour le laisser retomber sur la note chantante avec la plus grande souplesse imaginable ». Au sein même d’une phrase, il faut éviter trop de gestes inutiles du poignet de haut en bas, afin de ne pas perdre le contact des pulpes de doigts avec le clavier.

Pour résumer

Pour maîtriser l’exécution d’un morceau de piano, il faut tenir compte de trois éléments :
✔ la partition : ses mélodies, ses harmonies, son rythme, ses nuances…
✔ notre propre corps : nos doigts, nos mains, nos bras, l’ensemble de notre appareil moteur
✔ l’instrument-piano lui-même : savoir exactement comment il fonctionne, tenir compte du relief du clavier, de la brièveté des sons, du maniement de la pédale