CAMILLE SAINT-SAËNS, Valse nonchalante, op. 110
NIV. MOYEN-AVANCÉ
Tonalité : ré bémol majeur / Mesure : 3/4 / Tempo : entre 66 et 76 à la blanche pointée / Technique : legato, cantabile et jeu aérien
Charmante pièce de genre qui évoque les valses des cafés-concerts et leur allure improvisée, cette partition aux irrésistibles et virevoltantes mélodies de l’auteur du « Carnaval des animaux » est décryptée, tout en élégance, par le pianiste français. Elle figure dans ses « Jardins suspendus », nouvel opus entièrement consacré à la musique française.
La Valse nonchalante fut créée par son auteur au Teatro São Pedro de Alcântara, à Rio de Janeiro, le 18 juin 1899. Saint-Saëns présenta sa nouvelle composition à son éditeur Durand : « Messieurs ! J’ai l’honneur de vous annoncer la naissance d’une fille qui répond au nom de “Valse nonchalante” avec cinq bémols aux clefs. Elle est destinée au numéro de Noël du “Figaro illustré” et je n’ai pas cru devoir pour accorder cette faveur au dit journal vous demander votre autorisation. Bien entendu, il vous sera loisible de la publier ultérieurement (si j’ose m’exprimer ainsi). »
Il avait dédié la version pour piano à la princesse Hélène Bibesco, mécène et pia- niste roumaine (par ailleurs tante d’Anna de Noailles), qui répondit à l’hommage en ces termes : « On m’a assuré que Reyer avait fait vœu de ne jamais écrire un article sans y insérer le nom de Berlioz. Je me promets moi, pour ma satisfaction personnelle, de ne jamais me laisser réquisitionner comme pianiste sans faire voltiger sur le clavier le rythme ailé de votre délicieuse valse. » Il en fit aussi une transcription orchestrale pour une ballerine en 1921 et l’enregistra sur des rouleaux en 1904.
Éric Le Sage | Masterclasse | Valse nonchalante | N°137
Avant les débuts du jazz et le retour des musiques improvisées, ces petites pièces de genre se rapprochent de ce que l’on peut imaginer écouter lors des soirées café-concert où de grands improvisateurs comme Saint-Saëns, Séverac ou Hahn pouvaient au piano délecter leurs auditoires des heures durant. Il faut essayer de garder une certaine spontanéité. La carrure assez originale du début de la valse, avec une première mesure « à vide », qui est un début sur la mesure 1 mais un début et une fin sur les mesures 5 et 9, peut nous aider à ne pas prendre d’appuis trop solides et rester léger.
Cette carrure un peu floue ainsi que des harmonies délicatement fluctuantes que Fauré n’aurait peut-être pas désavouées donnent à ce début de valse un charme désuet bien particulier. Ajoutez une mélodie d’une grande efficacité et vous voici condamnés à chantonner longtemps ces quelques mesures dans votre tête. Personnellement, j’aime un peu moins la deuxième partie à partir de l’agitato mes. 35, mais peut-être sa grande simplicité et sa relative redondance ne sont-elles destinées qu’à mettre en valeur le retour de notre mélodie toujours aussi efficace et charmante avec ses variations virevoltantes.
Cette légère architecture sera servie discrètement variée deux fois dans les mêmes proportions, et nous arrivons à un semblant de coda (mes. 128) aux harmonies presque debussystes où l’improvisateur prend le relais, oublie la valse, oublie le tempo et laisse ses doigts vagabonder avec gourmandise et évanescence avant de retrouver le fameux thème, qui décidément ne vous quittera plus (avec son harmonisation légèrement osée mes. 173) pour finir par se diluer dans un joli effet de pédale harmonique et poétique mes. 217. interprétation en général ? Trouver un son extrêmement chantant sans forcer le trait, respirer avec les carrures sans écraser le pied de la pédale ou de son partenaire de valse. Orner les guirlandes de main droite avec un legato perlé sans s’appesantir sur le milieu de la phrase.
Saint-Saëns aimait beaucoup jouer cette valse et son enregistrement de 1904 témoigne d’un style très sûr et sans chichis.
Toute la difficulté de cette pièce quand vous l’aurez bien apprise sera de tout oublier et de n’en garder que l’improvisation mais peut-être est-ce la définition d’une bonne