NIVEAU AVANCÉ / CD PLAGE 3
Le cycle des Vingt-quatre Préludes, la plus étendue de toutes les œuvres de Frédéric Chopin, a été conçu à la lumière de ceux du Clavier bien tempéré de Jean-Sébastien Bach, le compositeur qui, avec Mozart, habite l’esprit de Chopin depuis son éveil musical. À Majorque, Chopin s’était donné la tâche d’achever ce cycle commencé déjà deux ans auparavant. Plus que le 6e Prélude, en si mineur, avec ses notes lentement répétées à l’aigu, ou les averses du 8e et du 19e, c’est le 15e, en ré bémol majeur, qui a été désigné comme étant le fameux Prélude « De la goutte d’eau », avec la répétition du la bémol dans le médium du piano.
À noter que ce titre n’est pas de Chopin, pour qui l’objet de la bonne musique n’est pas de décrire la nature. Ce Prélude est le plus long des vingt-quatre ; la lumière de la première partie – pourtant traversée par la tendre mélancolie du si bémol mineur – contraste avec les ombres menaçantes de la partie centrale, ses accords puissants et le profond chagrin qui éclôt, pour enfin retrouver, comme transfigurée, la lumière initiale de la première partie.
La masterclasse
Prélude Op.28 N°15, de Chopin, par Abdel Rahman El Bacha
À la fin d’une lettre que Chopin adressait de Majorque à son ami Albert Grzymala, on y lit : « Le ciel est aussi beau que ton âme ; la terre est aussi noire que mon cœur. » Le contraste et la concision font partie de la nature même de Chopin. J’aime beaucoup ces deux phrases de George Sand, parlant du grand musicien polonais au tout début de leur relation amoureuse : « C’est un ange de douceur et de bonté. Il a fait à Majorque, étant malade à en mourir, de la musique qui sentait le paradis à plein nez. » Si les bienheureux peuvent entendre de la musique au séjour céleste, ils auront certainement au programme ces gouttes d’eau miraculeuses.