LÉO DELIBES (1836-1891) Sylvia, Pizzicati, par Denis Pascal
AVANCÉ PLAGE 11
Tonalité Mi bémol majeur Mesure 2/4 Tempo Andante Technique Articulations, staccato, cantabile legato, accords Style Romantique
Sans nul doute, l’un des rôles les plus importants du piano au XIXe siècle fut la diffusion de la musique jusque dans les salons d’amateurs éclairés. L’instrument se montrait alors un média d’avant la diffusion radiophonique. En effet, les transcriptions au piano des grandes œuvres orchestrales ou des grandes pièces de la musique de chambre, musique religieuse, opéras ou ballets, rendaient possible leur impact auprès d’une catégorie de population, certes bourgeoise, puisque possédant l’instrument, mais dans l’impossibilité d’applaudir les formations originales de tous ces chefs-d’œuvre écrits à la fin du XVIIIe et tout au long du grand siècle romantique. Les compositeurs eux-mêmes se chargent souvent de ce travail. Johannes
Brahms notamment, pour ses concertos et symphonies, et bien sûr, pour ce qui nous concerne, Léo Delibes, qui après le grand succès de ses deux ballets romantiques Coppélia et Sylvia propose une série très convaincante de transcriptions au piano de sa suite orchestrale composée en 1880, issue du ballet Sylvia. La musique est élégante et suggestive, l’ensemble de l’œuvre est une très grande réussite.
L’extrait du troisième acte, Pizzicati, est devenu célèbre au point de symboliser, même pour le public le plus étranger au mode du ballet classique, la grâce de cette tradition, attachée à l’histoire du ballet de l’Opéra de Paris. Cette pièce en trois parties de forme A-B-A est remarquable par l’homogénéité de l’écriture et la simplicité du propos. Les intervalles mélodiques (voir exemple mes. 7-9), qui sont autant de formules d’écriture simple, sont une réussite puisqu’ils impriment durablement à la première écoute l’oreille de l’auditeur, laissant dans un entêtement mélodique une trace qui est la caractéristique d’autres chefs-d’œuvre romantiques français comme la Carmen de Bizet.
La masterclasse
La version instrumentale
Delibes est un musicien accompli, d’une grande culture, qui a eu une éducation poussée à la fois au Conservatoire de Paris et sur le terrain, en tant que chef de chœur et compositeur de ballets ainsi que du sublime opéra Lakmé. Il faudra donc la patience d’assumer les « positions » idiomatiques au piano, de manière que les élans et l’impact de la pièce originale orchestrale soient réalisables progressivement au clavier.
La difficulté résidera dans le respect des articulations au clavier, qui suggèrent les pizzicati de l’orchestre avec l’inertie que cette écriture impose au tempo. La partie centrale décomposée en trois éléments – accompagnement et harmonie m. gauche, chant main d. et ornementation aiguë en main d. – demandera, elle, plus de travail et d’arrangement avec la géographie du clavier et la pédalisation. Si le thème est difficilement chantable, ce n’est pas une romance, la compréhension de la pièce est forcément aisée à travers le mouvement suggéré par la basse et les modulations simples qui le composent. Le principal travail restera dans l’élaboration des positions, doigtés, qui permettent de s’évader de la difficulté des déplacements et de rendre le plus vite possible un résultat plaisant et encourageant pour l’instrumentiste, mais également pour leurs auditeurs !