NIVEAU MOYEN / CD PLAGE 5
C’est parfois dans l’extrême simplicité que se loge la plus grande complexité. Ou disons que la simplicité est peut-être la chose la plus difficile à atteindre.
Comme pour certaines pages de Mozart, cette Berceuse d’une poupée, pas difficile à première vue, se révèle très délicate dès lors qu’on commence à la travailler, à l’opposé des grandes pièces de Liapounov, notamment des redoutables Études d’exécution transcendante écrites en hommage à Liszt. Cette berceuse est un petit bijou méconnu, empreint d’une mélancolie poignante.
Pour en exprimer toute l’essence, il faudra trouver un balancement souple mais immuable à la main gauche. Trouver l’équilibre juste dans la quinte du début, veiller à ce que ni le mi ni le si ne prédominent. Travailler lentement pour obtenir un bon legato et surtout pas d’accent. De temps en temps, légèrement augmenter la pression du doigt quand une note glisse vers une autre : par exemple du si au do bécarre. On veillera à changer la pédale à ces moments précis, mais avec un mouvement lent du pied, surtout sans à-coup, de manière à glisser d’une harmonie à l’autre très discrètement. Chanter la main droite, en cherchant une sonorité pleine et définie, mais ne pas être trop actif. La résignation qui semble filtrer dans cette musique ne pourra être rendue correctement qu’en laissant la mélodie se dérouler sans histoire, presque sans rubato. Pas d’emphase, pas d’accents, on fera en sorte de modifier la densité du son et du phrasé par la pression des premières phalanges. Le bras devra être très relâché, toute l’intensité et l’introspection de cette page doivent se concentrer au bout des doigts. On laissera poindre un peu d’ardeur au moment bien émouvant du petit canon, juste avant la fin, où tout finit par être dissipé dans le silence.
La Masterclasse
Berceuse, de Liapounov, par Bertrand Chamayou