☞ NIVEAU AVANCÉ / CD PLAGE 7

Rêverie de Schumann, par Shani Diluka

La célèbre page centrale du recueil, Rêverie, septième pièce des treize, bouscule ce cycle avec l’entrée des bémols qui apparaissent pour la première fois grâce au fa majeur, avant le retour aux dièses pour finir avec le sol majeur initial. Ainsi, le cœur d’une boucle parfaite ou bien l’art des cycles chez Schumann qui font tant écho
à ceux de la vie. Au moment où commence la Rêverie, apparaît le visage « Eusébien » (Eusébius est le double rêveur du compositeur) de Schumann axé sur une quarte juste contrairement aux sixtes du début.

Rêverie où Alban Berg démontra avec brio comment cette petite pièce d’une grande simplicité pouvait contenir un enseignement d’une grande richesse pour tout musicien, notamment avec une analyse Schenkerienne basée sur les pôles harmoniques, mais qui touche tout public.

➜ Ainsi le rythme de la quarte change à chaque fois comme les saisons d’une vie. Déjà toute une perception poétique s’ouvre devant nous par ces deux premières notes. Polyphonie complexe, phrasé en symbiose avec la respiration, ce morceau recèle de nombreux secrets et un accès à l’invisible dont Schumann a le don.

➜ Les nombreux retards de notes tenues d’une harmonie à l’autre, donnent l’illusion d’une rampe invisible ; on y décèle ainsi les hésitations intérieures par les notes tenues mi-muettes, mi-sonores, démontrant un affect troublé et lumineux à la fois. Les accords sont des moments de suspension, où l’interprète doit ressentir les auréoles d’harmoniques provoquées par le « voicing » précis de Schumann déterminé par l’équilibre et la disposition spécifique des accords. La substitution de doigts permet un legato plein comme le fait Martha Argerich, par exemple.

La masterclasse

L’interprétation

Le choix du doigté et de la profondeur de l’enfoncement permet d’éclairer les sons avec un choix de textures différentes : un son dense avec un troisième doigt profond et plat, ou un cinquième doigt étoilé, solide tel une aiguille qui transpercerait un nuage. À nous de choisir la texture selon les voix et les harmonies. Les rythmes sont apaisés mais précis, et le seul point d’orgue devient symbole de questions immanentes et immuables. Comme dans la nature, tout est simple et complexe à la fois.