☞ NIVEAU MOYEN / CD PLAGE 17
La sonate dite « facile » a été composée par Mozart en 1788. La première édition posthume mentionne l’adjectif « facile » ou « sonata semplice » – certainement des ajouts d’éditeur. Mozart décrit néanmoins cette sonate comme une « petite sonate pour piano pour les commençants ». La brièveté, l’apparente facilité d’exécution, la simplicité et la limpidité de la forme ne sauraient pour autant dissimuler la profondeur du propos et la beauté poétique de cette œuvre de la maturité.
➜ Pour cet Andante, je recommanderais donc un tempo plutôt fluide, qui permettra à la phrase de se déployer librement sans excessive pesanteur.
✔ La main gauche, avec ses « basses d’Alberti », sera garante de la conduite régulière du mouvement.
✔ La main droite est par essence vocale. C’est l’art du chant, du cantabile, que Mozart cherche ici à enseigner à l’apprenti pianiste. À ce titre, les signes de liaisons nous donnent une indication expressive supplémentaire. Prenons les mesures 7 et 8 : Mozart n’indique pas un legato continu mais bien trois liaisons, ou trois coups d’archets, qui, selon la méthode de violon de son père Leopold, méritent d’être entendus et non pas simplement considérés comme une indication technique. Le style classique, hérité du monde baroque, privilégie un discours « parlé », composé de mots, de différents membres de phrases, plutôt qu’un legato absolu et continu. En essayant de faire une légère césure entre ces liaisons, sans couper la phrase mais bien comme une nouvelle consonne, induisant parfois une légère respiration, irrégularité ou rubato, on peut chercher à retrouver la plasticité de cette musique.
➜ Un autre point, lié à l’art vocal, est la question de l’ornementation. Dans les reprises, l’ajout d’ornements peut être un moyen idéal pour conserver l’intérêt du discours sans rajouter artificiellement des nuances pour éviter le sentiment de redite.
Sonate « Facile » 2ème mouvement, de Mozart, par François Dumont
La masterclasse
L’interprétation
C’était d’ailleurs la pratique habituelle à l’époque. Essayons d’ornementer avec élégance et en choisissant des figures éloquentes, qui rajoutent un intérêt ou une émotion supplémentaire à la phrase. Mozart nous ouvre la voix avec la forme particulière de ce mouvement : la première page est une sorte de double exposition, les mesures 9 à 14 étant déjà une version ornementée des mesures 1 à 6.
➜ Si la main droite, en contact intime avec le clavier, jouée peut-être avec la pulpe du doigt pour une sonorité plus ronde, chante, ornemente et déclame avec liberté, la main gauche soutient le mouvement avec la plus grande discrétion et régularité possible.
✔ On peut réduire l’usage de la pédale en essayant de « mettre la pédale avec la main », c’est à dire tenir les sons de la main gauche au-delà d’une simple double croche. Cette technique de « finger-pedaling » est couramment utilisée par les clavecinistes ou piano- fortistes afin de prolonger les sons. Aux mesures 20 à 23, on peut tenir les basses avec les doigts, afin de créer une ligne, un véritable contrechant. Le dessin de la basse, mesures 41 à 43, mérite également d’être mis en valeur.
➜ Dans le développement, mesures 33 à 49, Mozart visite les tons de sol mineur, si bémol majeur, ut mineur avant de retrouver sol mineur. Le triade descendante du thème initial (ré-si-sol, mesure 2) se retrouve inversée (sol-sib-ré, mesure 34), comme un questionnement. Cette triade, le simple accord parfait majeur, est d’ailleurs issue du premier mouvement : ce sont les 3 premières notes du thème.
➜ Après ces épisodes troublés, la réexposition en sol majeur (mesure 49) prend une couleur particulière. On pourrait faire le choix de la présenter sous sa forme la plus pure, non ornementée. Mozart ne laisse aucune indication dynamique dans l’ensemble du mouvement, mais on ne peut s’interdire des nuances ! Si j’avais à choisir j’opterais pour le pianissimo, avec l’utilisation de la pédale Una Corda qui permet de produire un son plus voilé.
➜ À la fin de la réexposition, Mozart ajoute un développement supplémentaire, à partir de la mesure 64, avec une incursion en ut majeur. La première fois pourrait être comme suggérée, piano, aux mesures 64- 66, et la seconde plus affirmée, aux mesures 68-69, crescendo pour atteindre une certaine intensité lors des harmonies de septième diminuée, aux deux derniers temps de la mesure 70, avant une coda apaisée, en diminuant mais presque sans ralentir, comme un adieu d’enfant.