Voici ce qu’écrivait E. Hanslick, ami de Brahms et dédicataire des seize valses, à propos de ces dernières : « Brahms le sérieux, le taciturne, le véritable cadet de Schumann, écrire des valses ! Et en plus, aussi nordique, aussi protestant, aussi peu mondain qu’il est ! » Il ne s’agit pas là de valses à « danser ». Certaines sont légères, viennoises, d’autres sont plus robustes et nordiques, certaines encore font écho à des Ländler schubertiens. Brahms évoquait d’ailleurs son recueil ainsi : « Seize innocentes petites valses en forme schubertienne. » Ces courtes pièces ont des atmosphères très contrastées. L’écriture y est économe et empreinte de fraîcheur et de spontanéité. Rien de superflu ou d’anecdotique dans cet opus extrêmement populaire du compositeur allemand. La première valse a une fonction d’ouverture du recueil. Le caractère ici évoque une joie simple, franche et vigoureuse. Le tempo giusto indiqué par Brahms implique un tempo naturel, à la mesure, sans empressement mais sans lourdeur non plus. Une petite pédale discrète sur chaque premier temps de chaque mesure évitera le sentiment d’une trop grande sécheresse.

Deux idées complémentaires : l’une non legato, forte, et l’autre legato, piano. On s’efforcera bien sûr de caractériser au mieux le contraste. De la mesure 9 à la mesure 16, le phrasé est ici beaucoup plus tendre, souple et dolce. On n’exagérera pas le crescendo expressif des mesures 10 et 11 et l’on veillera à ce que la petite note mesure 12 ne soit pas trop nerveuse mais plutôt d’un caractère tendre. On peut remarquer à la partie seconda l’accompagnement en hémiole (insertion d’une structure binaire dans une mesure à trois temps), créant ainsi un balancement un peu mouvant avec la partie prima.

Nous retrouvons notre thème plein d’énergie à la mesure 17 et serons attentifs au phrasé et à l’articulation de la mesure 23. Il n’est pas nécessaire de trop ralentir pour conclure cette valse, invitation à poursuivre la danse.

La 15e valse est évidemment la plus célèbre. Que dire de cette pièce d’une tendresse absolue, du balancement caressant de cette berceuse que l’on jouera sans affectation ou excès de sentimentalité. Douceur, délicatesse et pudeur seront à privilégier. La pédale doit respecter les silences de la partie seconda et être attentive à ne pas trop noyer le discours. Le phrasé indiqué doit être interprété avec sérénité et quiétude. Les crescendos ne seront pas joués avec trop d’emphase pour ne pas troubler l’atmosphère générale de la pièce. Les petites notes de la mesure 3 seront cantabile, sans affectation et nervosité.

Les huit dernières mesures ne sont pas si simples à effectuer pour la partie prima et les déplacements se feront sans nervosité. Les sixtes douces et caressantes sont comme un tendre au revoir.