J. Brahms, Intermezzo opus 117, n° 2
☞ NIVEAU AVANCÉ / CD PLAGE 12
Nouvel élan créateur
Brahms pensait écrire sa dernière œuvre en composant son Quintette à cordes opus 111. Alors que son activité ralentit nettement, un voyage à Meiningen va être le début d’une période créatrice féconde, la dernière. Il rencontre un clarinettiste exceptionnel qui l’inspire profondément, Richard Mühlfeld. Il écrira une série d’œuvres de musique de chambre avec clarinette (le Trio et le Quintette opus 114 et 115) et, avant de boucler son cycle clarinettistique avec les deux Sonates opus 120, il compose une série de pièces pour piano lors des étés 1892 et 1893. C’est le cycle de l’opus 117, le plus sombre de tous, qui répond sans doute le mieux à la description que fait Brahms de ses dernières œuvres pour piano : « Ce sont les berceuses de ma douleur. »
Ici, contrairement aux autres opus, pas de pièce de caractère héroïque pour vaincre momentanément la résignation, les trois pièces restent dans la douceur mélancolique, le clair-obscur, la demi-teinte.
Intermezzo opus 117, n°2
Morceau inquiet, intérieurement agité, tourmenté même, fantomatique parfois, cette pièce émouvante écrite sur le ton de la confidence n’en est pas moins rigoureusement organisée, avec cette science de l’écriture si typique de Brahms. Toute la pièce repose sur un même motif, traité de manière différente selon le contexte. Le désir d’unité est toujours puissant chez Brahms, c’est un architecte, un contrapuntiste, même dans les pièces de dimension plus modeste. Observons comme le thème du début est transfiguré à la mesure 23 (après le point d’orgue). Il apparaît ici aussi rassurant et consolateur qu’il était inquiet et sourdement angoissé au début. Tout cela avec le même motif, ce qui laisse deviner la virtuosité d’écriture de Brahms !
Intermezzo opus 117, n° 2 de J. Brahms par Jonas Vitaud
La masterclasse
L’interprétation
Quels enjeux d’interprétation pour ces deux grands passages ?
Mesures 1 à 22
➜ Les notes de la mélodie doivent être suggérées plutôt que clairement mises en avant. Rien ne doit être affirmé, il s’agit de donner une impression d’inquiétude sourde. Seuls les passages où la mélodie est surmontée d’une ligne de croches la mettant en valeur (aux mes. 7 et 16) peuvent être plus timbrés.
➜ Pour obtenir une fluidité optimale, garder une grande souplesse des poignets, et une mobilité des coudes. Vous devez sentir l’interaction, l’alchimie entre le geste de la main droite et celui de la main gauche, chaque main/ bras participe activement à ce que fait l’autre main/ bras…
➜ Les basses doivent être jouées légèrement, et délicatement nimbées de pédale.
Mesures 23 à 38
➜ Ici, il s’agit de cultiver le « son brahmsien » dans le sens traditionnel, c’est-à-dire un jeu dense et charnu. La nuance piano ne doit pas vous égarer : le son à trouver est généreux, utiliser le poids naturel des bras.
➜ La qualité du legato sera ici déterminante. Pressez fermement avec le bout des doigts comme si vous pétrissiez une pâte. Cette pression ne doit surtout pas engager le poignet et le bras qui doivent rester détendus.
➜ Les basses sont ici profondes, riches, là où elles n’étaient qu’effleurées au début. Dans cette écriture de type choral, les basses sont les piliers, la fondation !