Les métamorphoses de l’eau et les créatures qui la peuplent inspirent les artistes depuis toujours. En musique, la puissance évocatrice et la palette sonore de l’élément aquatique relèvent de l’évidence. Ces articles vous proposent une immersion dans un univers aux mille reflets.
Mendelssohn, Chopin, Fauré
À Venise, le chant des gondoliers traverse le silence des nuits d’automne. Les lumières se reflètent dans la lagune et finissent par y plonger, emportant avec elles les vers des bateliers. Les souvenirs font renaître ces murmures de l’eau. Ainsi Mendelssohn écrira quatre barcarolles qui sont autant de romances sans paroles. Leur bercement lent et répétitif est semblable à celui d’une barque sur les flots. Pas de parole et, pourtant, la mémoire ne fait pas défaut: le vague poétise le réel.
Le piano joue ; le charme opère. Dans ces mouvements sans heurt, l’eau revêt un air de maternité. C’est pourquoi la Berceuse de Chopin retrouve les mêmes balancements et répétitions que la Barcarolle. Leur diminution est celle d’un sommeil paisible, d’un lent abandon vers l’inconscience. La barque oisive suscite les mêmes délices que les bras d’une mère.
Fauré thématise notamment ce « balancement ininterrompu » dans la première de ses treize barcarolles. Ces pièces entremêlent mains et arpèges, substituent les doigtés et semblent métamorphoser l’interprète en organiste. Comme l’écume sur la mer, c’est pourtant bien le piano qui rappelle, en une brume lointaine, le chant d’un bonheur passé.

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