Béla Bartók de Peter Szendy et Anri Sala, Éd. de la Philharmonie, coll. « Supersoniques », 64 p., 13 €

Musicologue et philosophe, mais aussi critique d’art et commissaire d’exposition, Peter Szendy s’associe à l’artiste Anri Sala pour créer un passionnant livre expérimental explorant l’œuvre de Bartók. Prenant la forme d’un abécédaire détourné avec une grande inventivité formelle, ce bref essai présente avec esprit l’originalité du compositeur hongrois.

Anri Sala intervient autant par ses images de nuages en écho à ceux qu’évoque Szendy chez Bartók, que directement dans le texte qu’il efface parfois par des surimpressions de sinueuses et fantaisistes portées musicales. L’incisif récit nous rappelle que le compositeur du Château de Barbe-Bleue privilégiait le paysan au « Tsigane lisztien », qu’inspirée d’une légende roumaine, sa Cantata Profana, où neuf fils chassant le cerf se transforment eux-mêmes en cerfs, est « l’hymne d’une sortie sans retour hors du foyer, du chez-soi ».

Jamais à un paradoxe près, Bartók était aussi contre le « vandalisme » du phonographe, mais s’en servait pour enregistrer les musiques folkloriques qu’il collectait jusqu’en Turquie. De même, il condamnait la radio mais y prenait la parole pour de mémorables conférences. Mikrokozmos, « abécédaire de la musique pour piano », s’avère pour le lumineux Szendy, « une véritable auto-analyse musicale en musique » du compositeur, « un carnet d’esquisses dans lequel le musicien note non pas tant des idées toutes faites que des difficultés compositionnelles, parfois très simples, qu’il s’agira de résoudre ».