Danae Dörken et Anna Fedorova faisaient leur première apparition sur la scène du Festival de la Roque d’Anthéron en juillet. Deux concerts tout en contraste.

En remplaçant son maître Lars Vogt souffrant, Danae Dörken faisait sa première apparition à la Roque d’Anthéron, le prestigieux festival de piano qui s’est tenu cette année du 18 juillet au 20 août. Et quelle apparition !

Dans un élégant fourreau lamé, la jeune pianiste germano-grecque a conquis le public par une vision pleine de fraîcheur du Deuxième concerto de Mendelssohn. En démontrant une intimité peu commune avec l’œuvre, alliant charme et naturel, son économie de moyens, comme de postures, traduisait une touchante humilité. Dans une esthétique romantique raffinée plutôt qu’échevelée, en harmonie avec un orchestre aussi réactif qu’attentif, elle sut séduire, se faisant plus émouvante encore dans l’Intermezzo de Brahms donné en bis, en hommage à Lars Vogt.

Sous la baguette de Philipp von Steinaecker, cette soirée Mendelssohn permit d’entendre encore l’Orchestre de chambre de Paris, en grande forme, dans l’ouverture des Hébrides puis dans la Symphonie « Écossaise ». Contrastes nets, articulation allégée et tempos alertes révélaient la cohérence des pupitres de cordes comme l’excellence de l’harmonie, dans l’interprétation sobre d’un chef soucieux de la plénitude des phrasés, jusque dans le brillant finale de l’« Italienne » offert en bis, furtif et léger, dans le plus pur esprit Mendelssohnien.

Crédit photo : Valentine Chauvin
Danae Dörken, sous la direction
de Philipp von Steinaecker

Autres débuts très attendus à La Roque d’Anthéron, ceux de la pianiste ukrainienne Anna Fedorova. Dans un programme composite, où elle fit se côtoyer Beethoven, Chopin et Moussorgski, le contraste avec la sobriété de Danae Dörken, entendue la veille sur la même scène, s’avéra saisissant. Après une « Clair de Lune » d’une belle intériorité, mais qui laissait déjà percevoir quelques effets dans le finale, vint un Nocturne puis surtout une 4e Ballade de Chopin au tempo malmené, révélant un maniérisme déconcertant. En une succession d’étirements langoureux et d’assauts exaltés, comme par un jeu de scène caricatural, on en perdait presque le fil.

Plus convaincante dans les Tableaux d’une exposition, véritable plat de résistance du récital, Anna Fedorova démontra souffle et virtuosité. Par un contrôle infaillible, elle y révéla une énergie inépuisable, sa lecture imaginative soulignant clairement les atmosphères. Et ce jusqu’à une magistrale interprétation de La Grande Porte de Kiev, sa cité natale, laissant à peine transparaître son émotion en ces temps troublés, avant de conclure par trois bis signés de Falla, Chopin et Rachmaninov.