C’est avec l’âme d’un romancier qu’Erik Orsenna nous plonge dans la vie de Beethoven. Il aborde le génie sous deux angles complémentaires : la passion et la fraternité.

« Beethoven se place dans la lignée glorieuse de ceux qui, avec Prométhée, Socrate et le Christ, ont libéré l’humanité pour l’avènement de la fraternité. Rien de moins », écrit l’académicien.

Ses souffrances, ses passions amoureuses déçues, sa condition physique, sa précarité financière, ce destin qui s’acharne, terrible, le fameux testament de Heiligenstadt, rédigé en 1802 par le compositeur, document poignant dans lequel il choisit l’art plutôt que la mort face à une surdité irrémédiable qui le contraint à l’isolement… le génie ombrageux s’incarne sous la plume de l’écrivain, qui nous fait vivre tous les points de bascule de son existence. Et il explore cet élan de fraternité – dont l’Ode à la joie est l’incarnation absolue – qui l’anime malgré tout, cette passion pour la communion des peuples, pour cette Europe naissante qui déjà se divise, cet amour pour l’humanité, cette foi en elle.

L’écrivain sonde le mystère d’une personnalité paradoxale, d’un génie muré en lui-même mais animé d’un élan passionné vers l’autre.

Ne cherchez pas dans cet ouvrage un traité musicologique. Ou une biographie classique et factuelle. L’approche de l’écrivain, pleine d’humour et non moins savante, est faite de réflexions, de digressions, d’inventions, de dialogues imaginaires dans lesquels perce l’émotion.

L’écriture est comme son auteur : enjouée. Elle s’envole et nous entraîne dans des chemins inattendus. Exemple chapitre 18. « Vérification faite : Beethoven commence à devenir sourd dès que la guerre se remet à gronder en Europe. De cette chronologie, tirez toutes les conséquences que vous voulez, musicales ou médicales. » Elle nous instruit sans en avoir l’air, dans une biographie qui se fait, à son tour, ode à la fraternité.

La Passion de la fraternité. Beethoven,
Erik Orsenna,
Stock-Fayard, 2021