Le pianiste anglais offrait un récital élégant et somptueux au Théâtre des Champs-Elysées le 10 avril. Au programme : Schumann, Albéniz et Ravel.
Voilà déjà une douzaine d’années que Benjamin Grosvenor nous fascine. Par sa concentration et son intégrité, comme par son art des climats, il révèle à chaque apparition, sur scène comme au disque, la maîtrise suprême d’un jeu autant qu’une éloquence au juste galbe. Schumann et ses Kreisleriana lui vont comme un gant. Tour à tour tendre ou hanté, fantasque ou démoniaque, le pianiste en épouse les humeurs contradictoires et les tourments.
Fort d’un romantisme brûlant qui sait échapper au vertige, il enchaîne rêveries et courses à l’abîme, douces obsessions et fulgurances, en habitant, chacune avec justesse, les huit pièces du cycle. En conteur, il captive encore par un ibérisme élégant, teinté d’une discrète nostalgique dans le premier cahier d’Iberia. Sa lecture d’Albéniz, à peine moins cambrée que celle d’Alicia de Larrocha dans l’Evocacion, subjugue dans l’allègre pulsation d’El Puerto et plus encore dans El Corpus Christi en Sevilla, tant par son raffinement que par sa recherche de couleurs ou sa maîtrise suprême de l’écriture.
Une pédale habilement dosée, un toucher à la fois ferme et fluide, doublé d’une gestique sobre, finissent de dresser le portrait de ce pianiste britannique dont le flegme n’a d’égale que la force de conviction.

Crédit photo : Patrick Allen
En impressionniste à la touche immatérielle et ruisselante, il donne ensuite tout son sens à la « poésie liquide » qu’évoquait Alfred Cortot à propos des Jeux d’Eau. Mais le voilà plus étourdissant de virtuosité encore, dans le tourbillon sans répit de La Valse du même Ravel, au point que, par sa magie des timbres, on en oublierait presque la version orchestrale.
Deux bis, signés Ginastera et Liszt, concluaient le programme et par là même la saison des Concerts du Dimanche Matin de Jeanine Roze. Et pour ceux qui auraient manqué ce glorieux récital, Benjamin Grosvenor est déjà annoncé le 16 octobre prochain dans un programme tout aussi captivant (Clara Schumann, Bach-Busoni, Franck, Ravel). On se réjouit !