(1863-1937)
Les compositions de celui qui fut chef de l’Orchestre Colonne, également pianiste et organiste, ami de Debussy, sont à redécouvrir à l’occasion des 160 ans de sa naissance.
Le 25 juin 1910, dans la salle comble de l’Opéra de Paris, L’Oiseau de feu fait sensation. Son auteur, un certain Igor Stravinsky encore inconnu du public, signe le premier de ses ballets russes. Mais l’événement est marqué par un autre nom, celui du chef récemment nommé à la tête des Concerts Colonne qui dirige l’orchestre lors de cette création. Il s’appelle Gabriel Pierné. De lui, la postérité a dressé un portrait élogieux : fils de musiciens, brillant élève de Franck et Massenet au Conservatoire de Paris, pianiste, organiste et chef d’orchestre porté en haute estime par ses pairs. Mais elle a longtemps laissé dans l’ombre son métier de compositeur, auteur d’une soixantaine d’œuvres et lauréat, à 19 ans, du très convoité Prix de Rome avec sa cantate Édith.
Aujourd’hui, nous commençons à redécouvrir son riche corpus comportant des œuvres de genres et d’ampleurs variés. Imprégnée des idées foisonnantes d’un Paris fin de siècle, sa plume dessine des traits hérités de ses maîtres mais aussi ceux annonçant un tableau sonore plus moderne, audacieux et coloré. À l’instar de son ami Debussy, il dévoile à travers sa musique l’imagination d’une époque curieuse de tout, se nourrissant d’inspirations si diverses que les étiquettes – « impressionnisme », « néo-classique », « exotique » – ne suffisent guère.

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C’est ainsi que son Cydalise et le chèvre-pied, ballet ravissant créé à l’Opéra de Paris en 1923, mêle avec autant de génie les timbres du clavecin et la palette éclatante dans laquelle ont puisé aussi Stravinsky, De Falla et Ravel. Son piano, instrument d’enfance qui l’accompagne toute sa vie, résume en lui-même les goûts éclectiques de cette époque charnière où Paris devenait le nouveau berceau de l’Europe. Petit garçon, il écrit une Musette dont l’héritage baroque se retrouve plus tard dans les Six airs à danser, imaginés d’abord pour piano puis pour orchestre et rappelant la cour française par ses mouvements intitulés rigaudon, passe-pied ou pavane. Jeune compositeur, il peaufine à travers cet instrument un langage raffiné venant tout droit d’un Bizet ou d’un Chabrier, comme on peut l’observer dans son opus 3, recueil de quinze morceaux qui voit le jour à la villa Médicis. Sans pour autant exclure d’autres voies d’expression en se plongeant trois ans plus tard dans l’écriture puissante et virtuose de son Concerto pour piano, hommage à un romantisme fébrile. Après une longue période sans rien écrire pour le piano, il donne naissance à son chef-d’œuvre, les bouleversantes Variations op. 42, écrites en 1918 suite à l’audition de l’Ibéria d’Albéniz, événement qui incite le compositeur français à revenir à l’instrument qui a marqué ses débuts de compositeur.
Complete Piano Works. Chamber, Orchestral & Vocal Music. Historical Recordings
Warner

Warner offre une réédition de dix albums consacrés à Gabriel Pierné, réunissant son œuvre pour piano seul, une belle partie de ses œuvres chambristes ainsi que ses grands tableaux d’orchestre.
Nous découvrons la vitalité de son piano à travers les quatre disques signés Diane Andersen, portrait affectueux du compositeur qui contraste avec l’univers somptueux de son ballet Cydalise et l’atmosphère céleste de son poème choral, Les Enfants à Bethléem. Des joyaux nous sont réservés dans les enregistrements historiques où nous pouvons entendre le compositeur au piano ou à la tête de son orchestre ainsi que des grandes personnalités (Jean-Pierre Rampal, Pierre Barbizet, Jeanne-Marie Darré, Trio Pasquier) qui lui rendent un bel hommage.