Jean-Efflam Bavouzet clôture son intégrale consacrée aux sonates pour piano de Haydn, échelonnée sur onze volumes à travers lesquels le pianiste français dresse un portrait fascinant d’un compositeur révolutionnaire. Inscrite telle une référence dans la discographie, cette traversée porte haut l’esprit novateur de ces oeuvres pianistiques souvent éclipsées par celles de Beethoven et de Mozart.

Dans cet ultime volet confrontant la toute première sonate à la toute dernière, nous retrouvons toutes les qualités qui ont marqué ce cycle éblouissant : un dynamisme irrésistible, un sens de la rhétorique et une créativité donnant à chaque élément une nouvelle signification. La Sonate en sol majeur, supposément la première que Haydn aurait écrite, n’a rien de scolaire bien que son Finale se trouve souvent dans les anthologies pédagogiques. La vitalité de son jeu est d’emblée reconnaissable, mettant en valeur une articulation mordante et un récit riche en nuances. Partant de ce monde d’une clarté absolue, nous en découvrons un autre plus orchestral et automnal, celui des deux dernières sonates écrites à l’orée du XIXe siècle.

L’instrument semble se transformer, ses timbres devenant plus amples et puissants, les phrases adoptant un nouveau lyrisme. Si les triolets de la 61e évoquent pour beaucoup Schubert, le discours du pianiste retient l’esprit du classicisme, ne débordant jamais dans un romantisme précoce. Il en va de même pour la célèbre 62e, l’interprète renonçant à une verticalité beethovénienne pour mettre en lumière les reliefs de l’oeuvre, à la fois pétillante, espiègle, majestueuse et profonde. En coda, le pianiste laisse un véritable joyau en forme d’un Allegretto conçu pour horloge musicale, ici baigné dans des sonorités « noyées de pédale », brillant coup d’audace. Jean-Efflam Bavouzet nous montre combien la plume de Haydn est riche et sa puissance d’imagination est infinie dans son remarquable hommage au père de la sonate.

INTÉGRALE DES SONATES DE HAYDN, vol. 11

Jean-Efflam Bavouzet
CHANDOS