Contrairement à Roland-Garros où il faut remonter à plus de vingt ans pour voir un Français remporter le tournoi, les concours de piano offrent quant à eux de sérieux concurrents hexagonaux : la jeune génération d’interprètes ne cesse de collectionner les premiers prix. Théo Fouchenneret en 2018 au Concours international de Genève, Alexandre Kantorow en 2019 au Concours Tchaïkovski. Et en mai dernier, c’est au tour de Jonathan Fournel de se hisser au sommet du podium du très prestigieux Concours Reine-Elisabeth, qui va donner un tour international à sa carrière.

Parfois, tout n’est pas gagné : en 1983, Pierre-Alain Volondat remportait brillament cette compétition. Génial surdoué, tout entier tendu vers l’absolu de sa vocation, il a sillonné les scènes du monde avant une désertion aussi fulgurante qui l’a conduit à exercer son art en toute discrétion. L’interview qu’il avait donnée suite à sa victoire avait laissé un souvenir impérissable dans l’esprit des mélomanes. Il déclarait, comme habité, possédé : « Je suis le messager, le continuateur de la chaîne des grandes traditions beethovéniennes. » Comme s’il n’appartenait plus au monde des hommes, mais à celui des idées… Mais revenons à notre héros du moment, Jonathan Fournel.

Crédit photo : Robin Ducancel

« Il joue comme il parle, il raconte à travers la musique des histoires universelles qu’il partage avec tous ceux qui l’écoutent », s’enthousiasme dans un communiqué Gisèle Magnan qui dirige l’association Les Concerts de poche, dont le jeune pianiste est un fidèle compagnon. Contrairement à Volondat, le jeune Sarrebourgeois de 27 ans s’est déclaré surpris de sa victoire au micro de France Musique : « Je pensais que ça allait être quelqu’un d’autre. »

Covid oblige, l’édition 2021 s’est tenue à huis clos : les candidats se sont succédé devant une salle presque vide – seuls le jury et quelques journalistes étaient présents –, ce qui relève de la gageure. Les finalistes auraient sûrement joué avec encore plus de panache devant une salle pleine et effervescente. Mais quand on écoute Jonathan Fournel dans le Second Concerto de Brahms, empreint de finesse, d’élégance, et non moins de passion, on se réjouit de la tenue de cette édition, qui a le mérite de révéler ce grand talent. Un jeu tout en naturel et en souplesse dont devrait s’inspirer la Fédération française de tennis…