La 7e édition du Festival de piano de Vilnius a célébré la musique française dans un tourbillon de musique et de danse. Notre envoyée spéciale nous raconte ces deux jours plein d’étoiles.

À qui appartient le cœur de Paris ? À l’approche de l’hiver, il bat sous les doigts de Muza Rubackyté. Cette année, le Festival de Piano de Vilnius dont elle est la directrice artistique jette un pont entre la Lituanie et la France – respectivement pays d’origine et pays d’adoption de la pianiste. Pour sa 7e édition, du 17 novembre au 4 décembre 2021, les « Soirées parisiennes », en partenariat avec l’Institut français de Lituanie, mettent à l’honneur les compositeurs français, et notamment Camille Saint-Saëns, en commémoration du centième anniversaire de sa disparition.

Ce samedi 20 novembre, Vilnius s’est parée de ses plus belles lumières ambrées lorsque la Philharmonie nationale de Lituanie ouvre ses portes. Pour commencer la soirée, l’Orchestre symphonique national de Lituanie sous la direction du chef Victorien Vanoosten qui remplace au pied levé Michel Plasson, nous raconte la musique française. Avec Pelléas et Mélisande, op. 80, de Fauré, il nous chante à voix basse un hymne à l’amour, comme un souvenir qui retient du passé sa tendresse. Muza entre ensuite en scène en tant que soliste du Concerto pour piano et orchestre n°2 en sol mineur, op. 22 de Saint-Saëns.

Muza Rubackyté
Photo: Dmitri Matvejev

La baguette du chef français lui est dévouée, ses regards complices. Le tempo élancé et les rythmes chaloupés contrastent avec l’ambiance pianissimo du premier morceau. Avant l’entracte, Muza offre en bis à son public un Clair de lune de Debussy cristallin. Son jeu particulièrement vif parle une langue française qui vibre de lointain. Comme un accent délicieux, il lie en un seul cœur deux cultures différentes. Aucune ne saurait effacer l’autre de la carte. Le public se lève pour acclamer la pianiste aux bras débordants de bouquets de roses. La soirée d’ouverture s’achève sur la Symphonie en si bémol majeur, op. 20 d’Ernest Chausson, révélant ses amours pour l’orchestration germanique.

Le lendemain, dimanche 21 novembre, le traditionnel concert des jeunes talents regroupe les familles. Le public est apprêté ; des petites filles défilent et prennent la pose dans les escaliers. Sous le patronage de la fondation caritative Mstislav Rostropovitch pour le soutien de la musique et de l’enfance lituaniennes, le festival accueille cette année non seulement les membres de la fondation mais aussi des candidats et alumni. Au programme : douze jeunes artistes ayant tous remporté des prix nationaux ou internationaux. Pour faciliter la transmission de la culture musicale aux enfants, un petit livret de conduite leur est distribué, les invitant à danser durant le concert, à l’envie. Charmée, une enfant se balance ici, délicatement sur les genoux de son papa, tandis que du haut du balcon et du bout de ses doigts, là, une petite fée prête aux musiciens sa baguette. À l’entrée de la ballerine Nora Straukaité, un murmure traverse la salle. Une apparition. Un ange ? Non, le cygne du Carnaval des animaux de Saint-Saëns qui fait s’envoler et danser avec elle l’âme de Paris. Le public s’immobilise, admiratif et ému. En clôture, la Petite suite L. 65 de Debussy réunit pour des quatre mains, Elzbieta Dvarionaite, étudiante à Vienne, et Simonas Poska, étudiant à Hanovre. On retiendra les noms de ces deux pianistes qui partagent tour à tour le clavier avec Muza. Le concert aura plongé dans la lumière l’engagement de l’immense musicienne dans l’accompagnement et l’éclosion du talent de ses étudiants. Véritable muse, depuis son siège ou sur scène à leur côté, elle veille sur eux de son regard bleu.