Sergueï Rachmaninov fait partie des rares pianistes virtuoses à la fois compositeurs et chefs d’orchestre. André Lischke, musicologue spécialiste de la Russie, nous brosse un portrait détaillé du maître dans un livre très dense. Florilège en forme d’abécédaire.

Amérique
Rachmaninov quitte définitivement l’Europe en 1939, s’installe à Beverly Hills et est naturalisé américain en 1943 à 69 ans, quelques semaines avant sa mort.

Cloches
Il grandit à Novgorod où il entend sonner les cloches qui le marquent pour toujours. Elles bourdonnent dans Pâques, carillonnent dans le Prélude op.3 n°2 et tintent dans le poème symphonique op.35, intitulé… Les Cloches.

Dépression
Assassiné par la critique en 1897 à la création de sa première symphonie – certes dirigée par un chef ivre –, Rachmaninov sombre dans une profonde dépression. Trois ans plus tard, l’inspiration retrouvée, il fait taire cette même critique avec son célèbre 2e Concerto.

✔ André Lischke,
Sergueï Rachmaninov,
portrait d’un pianiste,
Buchet Chastel, 2020

Enregistrements
L’interprète laisse à la postérité une discographie importante. Chopin, Beethoven, Bach, Schumann… Rachmaninov ! Elle est marquée par l’évolution drastique de la prise de son. « Lorsque mon premier disque a été enregistré en Amérique […], le grand piano de concert sonnait comme une balalaïka », écrit-il. On reste dans les cordes !

Horowitz
Interprète mythique et ami du compositeur, Vladimir Horowitz lui « vole » le premier enregistrement du redoutable 3e Concerto en 1928. On peut le voir en ligne, doigts plats, créativité acérée, en traverser les pages avec une formidable aisance.

Ivanovka
Rachmaninov vient s’y ressourcer. Il écrit: « C’était la steppe, et la steppe est comme la mer, sans limites. Au lieu de l’eau, une immensité de champs de blé, d’avoine, d’un horizon à l’autre. » En exil, il retrouvera cette atmosphère à Clairefontaine, dans les Yvelines, puis à la villa Senar, en Suisse.

Kreisler
Partenaire de musique de chambre fidèle, aussi optimiste à l’enregistrement que son compère est critique. Fritz détermine pour Sergueï les coups d’archet de ses parties d’orchestre. Tirer ou pousser ? Telle est la question…

Paluches
Oui, car quand on atteint la 13e, on ne peut plus trop parler de mains. Essayez donc : pouce sur do, figurez-vous le la supérieur, et montez-le d’une octave ! On s’arrête là ?

Stratège
La révolution d’Octobre contraint Rachmaninov à émigrer de Russie sans rien d’autre que ses mains. Il comprend rapidement qu’il ne peut uniquement compter sur l’interprétation de ses propres œuvres et qu’il doit jouer et diriger ce qui plaît au public pour gagner sa vie. Il négocie méticuleusement ses cachets et fait valoir ses exigences pour les tournées. Business is business.

Zverev
Rachmaninov est âgé de 12 ans quand Alexandre Siloti, son cousin pianiste virtuose, ancien élève de Liszt décide de l’emmener à Moscou. Déjà exceptionnellement doué, il travaille sous la houlette du renommé Nikolaï Zverev qui le loge dans son propre hôtel particulier. Discipline de fer, violences verbales, parfois physiques, le « pédagogue » le mène à la baguette mais a le mérite de le doter de solides moyens…