Virtuose élégant, chambriste d’exception et chef d’orchestre inspiré, Lars Vogt s’est éteint hier, le 5 septembre, à l’âge de 51 ans, emporté par une maladie dont il avait révélé la gravité l’an dernier.

Soliste et chambriste

Né en 1970 à Düren en Allemagne, c’est à Hanovre qu’il étudie le piano. Lancé par son second prix au Concours International de Leeds en 1990, il développe une carrière de soliste, mais aussi de musicien de chambre. Dès 1998, il fonde en effet son propre festival prés de Cologne – connu sous le nom de « Spannungen », où les concerts se déroulent dans une centrale hydro électrique de style “Art nouveau”. Le succès, dont témoignent plusieurs enregistrements, est considérable. Par ailleurs, Lars Vogt forme, aux côtés de Christian et Tanja Tetzlaff, un trio qui sera universellement apprécié. Premier pianiste nommé « en résidence » de l’Orchestre Philharmonique de Berlin en 2003, il poursuivra une collaboration régulière avec le prestigieux ensemble allemand. Il se produit partout dans le monde avec les formations les plus illustres, collaborant avec de grands chefs, tels Sir Simon Rattle, Mariss Jansons, Claudio Abbado et Andris Nelsons, dont il apprend beaucoup.

Passionné de direction

Crédit photo : Giorgia Bertazzi

La direction d’orchestre l’attire tellement qu’il obtient son premier poste de directeur musical auprès du Royal Northern Sinfonia en 2014. Après cinq ans d’une fructueuse collaboration, ponctuée de plusieurs disques, il est nommé aux mêmes fonctions à la tête de l’Orchestre de Chambre de Paris à compter de la saison 2020/2021. Apprécié pour son dynamisme, comme pour ses qualités relationnelles exceptionnelles – ainsi qu’en témoignent affectueusement les musiciens – pour son charisme discret et pour ses immenses qualités musicales, il offre une nouvelle jeunesse à l’ensemble parisien. Passionné de pédagogie, on lui doit aussi en 2005 la création du programme « Rhapsody In School » qui attire dans les écoles allemandes et autrichiennes des artistes de renommée internationale pour transmettre leur passion de la musique. En 2013, en succession de son maître Karl-Heinz Kämmerling, il est nommé professeur au Conservatoire d’Hanovre.

Une vaste discographie

Depuis son premier enregistrement, consacré aux concertos de Grieg et de Schumann, sous la baguette de Simon Rattle (1992), Lars Vogt a gravé une importante discographie aux côtés de talentueux partenaires (Truls Mork, Sabine Meyer, Sarah Chang, Antje Weithaas, Christian Tetzlaff…), se montrant particulièrement investi dans le répertoire classique et romantique. On lui doit notamment plusieurs concertos de Mozart, tous ceux de Beethoven et de Brahms dirigés du piano, ainsi que plusieurs albums en solo consacrés à Bach (Variations Goldberg), Mozart, Schubert, Liszt, Chopin, Schumann ou Janacek. Sa discographie de chambriste est particulièrement impressionnante, embrassant un très vaste répertoire de sonates (avec violon, alto, violoncelle ou clarinette), de trios ou de quintettes. C’est avec l’Orchestre de Chambre de Paris, dirigé du piano, qu’il a signé son dernier disque, consacré aux deux concertos de Mendelssohn, qui vient de paraître chez Ondine.

Très affaibli par la maladie et par les lourdes chimiothérapies qu’il affrontait avec courage et dignité, refusant de s’avouer vaincu bien qu’il se sache menacé, il avait tenu à honorer ses engagements aussi longtemps que ses forces le lui autoriseraient. Ce n’est qu’à partir cet été  – notamment au Festival de la Roque d’Anthéron, où il avait demandé à être remplacé par son élève Danae Dörken – qu’il avait dû renoncer à monter sur scène.

Toutes nos pensées vont à son épouse, à ses trois enfants, à ses amis et à tous ceux qui ont su apprécier en lui non seulement le musicien, mais aussi l’être rare.