Le pianiste et claveciniste allemand fait vivre les œuvres baroques, classiques et romantiques sur des instruments anciens. Dans son nouvel album, il magnifie le divin Wolfgang sur une splendide copie de pianoforte.
Mon piano d’enfance
Comme bon nombre de pianistes, j’ai débuté sur un piano moderne – dans mon cas, un Blüthner droit appartenant à mon grand-père. La rencontre avec des instru- ments historiques est venue plus tard. Le clavecin d’abord, grâce à une amie violoniste dont les parents en possédaient un qui m’a d’emblée fasciné. J’ai découvert ensuite le pianoforte du conservatoire où j’étudiais le clavecin, mais l’instrument, une vieille copie en état pitoyable, ne m’a pas du tout séduit ! Vers l’âge de 21 ans, j’ai eu l’occasion de jouer sur un pianoforte Graf de 1827 au musée Vleeshuis à Antwerp. La rencontre avec cet instrument magnifique fut ainsi le moment charnière qui m’a ouvert la porte à un nouveau monde.
Mon piano de travail
J’ai un Bechstein de mes années d’étudiant que je n’ai jamais voulu vendre, tellement il est devenu comme un vieil ami ! J’ai aussi une copie du pianoforte Graf qui m’a tant subjugué à Antwerp, une copie d’un pianoforte Walter et un Broadwood de 1804 – oui, cela prend de la place ! La décision de jouer sur clavecin ou pianoforte n’est jamais venue d’un refus du piano moderne mais plutôt d’une curiosité envers d’autres types de claviers et de leurs possibilités musicales. Nul autre instrument n’a connu une évolution aussi riche que celle du piano, dont le développement témoigne intimement de la vie musicale des différentes époques.
Mon piano idéal
Ce serait un piano viennois de l’époque de Schubert – comme le Graf que j’ai découvert à Antwerp. Ce sont les pianos les plus beaux à mes oreilles, appartenant au zénith de la facture viennoise des années 1820 et 1830. Comparé aux modèles viennois, le piano moderne s’avère terriblement neutre, conçu pour être polyvalent telle une feuille blanche. En revanche, les pianos viennois, munis d’un modérateur, parviennent à évoquer des sonorités voilées et mystérieuses, un univers au clair de lune. On peut réaliser les pp ou ppp dans Schubert tout en gardant le relief du discours, l’expression y étant plus immédiate et l’articulation plus vive. Ces instruments incarnent profondément le romantisme.
Le piano pour jouer Mozart
J’ai joué sur une copie d’un Walter signée Christoph Kern, facteur d’exception basé près de Freiburg. Nous travaillons beaucoup ensemble et je sais que je suis entre de bonnes mains lorsqu’il s’agit de l’un de ses merveilleux instruments. Il y a une légèreté dans le mécanisme de l’instrument que l’on ne trouve pas sur les pianos modernes, même s’ils ont une plus grande longueur de note. Mais le jeu legato n’est pas plus difficile sur un pianoforte. C’est un travail qui se réalise à travers les oreilles et l’esprit. Avec cette volonté, tout instrument à clavier peut se transformer en chant.

MOZART
Ouverture de Don Giovanni, Concerto pour piano n° 23, Symphonie n° 40.
Andreas Staier, Julien Chauvin,
Le Concert de la Loge. ALPHA
Andreas Staier s’attelle avec ardeur et vitalité au chef-d’œuvre lyrique de Mozart, partenaire idéal d’un ensemble dynamique mené par Julien Chauvin. Une liberté d’esprit règne dans ce dialogue vif entre musiciens, soufflant poésie et brillance dans une interprétation intelligemment construite. Le pianofortiste dévoile
la palette colorée de son instrument, saisissant l’expressivité inouïe du Concerto n° 23, dont l’Adagio subjugue par l’intensité du récit. Les œuvres orchestrales encadrant le concerto défendent avec brio une richesse sonore d’où jaillit toute l’imagination du compositeur.