Le pianiste et Directeur musical de l’orchestre de chambre de Paris évoque pour nous les instruments qui ont jalonné sa vie.

Piano de travail

Chez moi, à Nuremberg, j’ai un piano à queue Steinway B. La pièce dans laquelle il se trouve est vraiment minuscule, il n’y a qu’un petit bureau dans un coin et une étagère. C’est vraiment la pièce dédiée au piano ! On peut y faire des duos, peut-être des trios, mais vraiment pas plus. Et, par égard pour mes pauvres voisins, j’ai bien sûr des tapis absolument partout : aux murs, sous et sur le piano…

Piano madeleine de Proust

Le premier piano sur lequel j’ai travaillé était celui de ma grand-mère, qui habitait avec nous à l’époque. C’était un Yamaha tout blanc ! (rire) Mes deux grandes sœurs jouaient aussi, ce piano a donc toujours été là, à la maison. Il ne me restait plus qu’à apprendre ! Plus tard, quand j’ai commencé à faire des progrès rapides, mes parents m’ont acheté un Schimmel demi-queue – marron celui-là ! – que j’ai aussi beaucoup aimé.

Crédit photo : Giorgia Bertazzi

Piano idéal

Parfois on trouve un instrument qui est presque parfait. J’adore le son des Steinway, et l’éventail de couleurs qu’il peut avoir quand il est bon. Mais il y a toujours la question du répertoire. Quand on joue du Schubert ou du Schumann, par exemple, ou quand on accompagne des mélodies au piano, la mécanique de répétition est bien trop importante. Les pianos contemporains sont vraiment « trop » pour ce genre de répertoire. Il faut quasiment faire semblant, biaiser, et presque empêcher les touches de remonter pour obtenir le son tendre et délicat de l’époque. Cela étant dit, je n’aime pas particulièrement jouer sur des pianos anciens. J’ai eu l’occasion d’essayer des instruments de l’époque de Beethoven qui ne m’ont pas vraiment plu.

En revanche, ceux de l’époque de Brahms, dans les années 1870-1880, comme les Erard ou les premiers Bechstein étaient vraiment formidables. Mais bien sûr, lorsqu’on joue avec un orchestre et des instruments modernes, ils sont bien trop faibles. En vérité, il est sûrement impossible d’avoir à la fois la qualité des pianos contemporains et la délicatesse du jeu d’époque, qui tenait en partie à la mécanique des instruments.

Propos recueillis par Lou Heliot