L’ouvrage de Marie Octave Monod se penche sur la vie de Marie d’Agoult, qui ne se contenta pas d’être la muse de Liszt. Sous le nom de Daniel Stern, elle fut aussi écrivaine et historienne.
« Six pouces de neige sur vingt pieds de lave », c’est ainsi que la qualifient ceux qui ont côtoyé Marie d’Agoult. Née en 1805, d’un père noble français ayant fui la Révolution en Allemagne et d’une mère allemande issue d’une famille de banquiers juifs convertis au protestantisme, c’est à Paris qu’elle s’installe avec son époux, le comte d’Agoult, aux premières loges des bouleversements de l’époque. Sa célébrité, elle la doit en premier lieu pour avoir été la maîtresse de Franz Liszt, à qui elle a inspiré le célèbre cycle des Années de pèlerinage, commencé lors de leur vagabondage en Suisse et en Italie. De l’union de cet « astre double » naquirent trois enfants, dont Cosima, qui épousera Richard Wagner. La fin de leur relation tumultueuse inspirera à Marie d’Agoult cette lucide réflexion : « L’amour est toute l’ambition de la femme ; pour l’homme il n’est plus souvent que le sommeil momentané de l’ambition. »
Pourtant, sa vie après Liszt est tout aussi remarquable, où elle s’affirme en tant qu’écrivain, sous le pseudonyme de Daniel Stern. Intellectuelle et journaliste politique, elle publiera une Histoire de la révolution de 1848, qui reste un ouvrage de référence encore aujourd’hui. Son salon, appelé la « maison rose », ne désemplit pas et durant dix ans, de 1850 à 1860, elle y accueille des personnalités de la vie politique, artistique et littéraire, comme Alphonse de Lamartine, Émile Littré, Ralph Waldo Emerson…
À travers le portrait de cette femme éclairée, Marie Octave Monod livre aussi une peinture de la Restauration à la IIIe République permettant de prendre la mesure du bouillonnement intellectuel, artistique et politique qui régnait alors. D’une lecture aisée, l’auteur n’évite pas parfois les envolées lyriques et le panégyrique n’est pas loin, rappelant en cela les exaltations de Marie d’Agoult elle-même, lorsqu’en un regard rétrospectif, elle analyse comment sa rupture avec Liszt a influencé son destin : « C’est à lui que je dois tout, il m’a inspiré un grand amour, il m’a détaché des vanités, il m’a cruellement mais salutairement détachée de lui-même. Qu’il n’ait jamais ni regrets ni remords s’il m’a fait souffrir. S’il eût été ce qu’il devait être, je serais restée. Mon nom ne serait pas sorti de l’obscurité. »
Daniel Stern, comtesse d’Agoult. De la restauration à la IIIe République, de Marie Octave Monod, 320 p. 18 €, éd. des femmes
