Lorenzo Soulès remporte le concours international de piano d’Orléans avec éclat, s’imposant par de somptueuses versions de Manoury, Messiaen et de Falla.
Unique compétition internationale consacrée au répertoire contemporain, le Concours de piano d’Orléans créé par Françoise Thinat a réuni pour sa quinzième édition vingt-deux jeunes pianistes. Présidé par Philippe Manoury, qui a composé deux études inédites pour les candidats, le jury comprend aussi trois remarquables pianistes, le Japonais Ichiro Nodaïra, également compositeur et qui a créé la Passacaille pour Tokyo au programme cette année, le Luxembourgeois Francesco Tristano, ancien lauréat du Concours et la Serbe Tamara Stefanovich.
Trois candidats étaient en finale ce dimanche 11 avril au Grand Théâtre d’Orléans : le Sud-Coréen Chi-Ho Han, la Japonaise Chisato Taniguchi et le Français Lorenzo Soulès. En première partie, chacun joue la Passacaille pour Tokyo avec l’Ensemble Intercontemporain dirigé par Julien Leroy. Dans cette séduisante mais redoutable pièce de Philippe Manoury, dix-sept instrumentistes prolongent les gestes du soliste qui voient se multiplier les effets miroirs jusqu’à un second pianiste, Dimitri Vassilakis, jouant en coulisse. Écouter trois fois de suite cette œuvre luxuriante n’épuise pas le charme de toutes ses strates miroitantes, bien au contraire.

Crédit photo : Didier Depoorter
Chi-Ho Han en donne une version techniquement irréprochable mais manquant de relief, quand Chisato Taniguchi fait entendre davantage de fluidité au détriment d’un volume sonore amoindri. Lorenzo Soulès se démarque d’emblée par sa virtuosité souveraine à timbrer chaque instant tout en créant de remarquables hybridations avec ses partenaires. En deuxième partie, les finalistes présentent un programme de leur choix d’œuvres composées entre 1915 et aujourd’hui. Chi-Ho Han déroule les trois mouvements de Petrouchka avec une maestria indubitable, tout en paraissant dépassé par les enjeux visés par Stravinsky, ne réussissant guère à capter l’attention, tout comme dans l’anecdotique Für Alina d’Arvo Pärt. Chisato Taniguchi surprend agréablement en jouant la si abstraite Suite pour piano de Schoenberg mais en y infusant trop peu de caractère, puis Kairos, pièce inconnue de Gondai Atsuhiko paraît interminable. Lorsque Lorenzo Soulès commence la Fantaisie bétique de Manuel de Falla, apparaît tout de suite un sens maîtrisé de l’architecture sonore, une vision réfléchie et passionnante de cette œuvre que, très jeune, il put travailler avec profit auprès d’Alicia de Larrocha – la grande pianiste ayant appris cette pièce avec le compositeur andalou en personne.
Le Baiser de l’Enfant-Jésus, extrait des Vingt Regards sur l’Enfant-Jésus, confirme avec éclat l’assise du jeune homme, déjà 1er Prix du Concours de Genève 2012, qui diffuse la ferveur de Messiaen par une résonance magnifique. Avec une évidence partagée par tous, il remporte le 1er prix et trois autres prix, dont celui du public. « Je ne sais pas si je réalise encore, car c’était très éprouvant et toute la tension n’est pas encore retombée, mais je suis très ému. C’est l’aboutissement de quinze ans de travail avec mes maîtres à Cologne qui ont fait tellement pour m’enseigner ce répertoire-là », nous confie- t-il. Ayant grandi dans une famille nombreuse, où parents et enfants sont tous musiciens professionnels, ce sympathique jeune homme de 29 ans a été soutenu dès l’adolescence par Pierre-Laurent Aimard qui fut son professeur pendant quinze ans et avec qui il joue maintenant en duo. « Son enseignement est très exigeant mais aussi très humain, ouvert à la culture d’une manière incroyable », assure Lorenzo Soulès, dont la personnalité posée et affirmée laisse présager des lendemains heureux.