Collaborations historiques, live et enregistrements mythiques… notre petite anthologie pour mesurer l’étendue de son génie.

1 . Pour commencer, il est difficile de ne pas écouter le Premier de Beethoven et le Concerto de Schumann qu’elle donnait enfant en public, à Buenos Aires. IRCO a publié ce trésor dans un son qui ne peut cacher son âge, mais ne rabote en rien l’éloquence et la maîtrise d’une gamine prodigieuse qui est déjà Martha Argerich.

Puis il faut aller vers The Legendary 1965 Recording (Warner), un programme Chopin qui attendra quinze ans pour être publié pour des raisons contractuelles. Splendidement enregistré, il propose la Sonate op. 58, un bouquet de mazurkas, le 3e Scherzo et la Polonaise «héroïque» qu’elle réenregistrera d’une façon très proche, chez DGG. Réalisation exemplaire musicalement, d’une beauté pianistique incroyable et neuve en son mélange de netteté et de couleurs fondues. DGG vient de rééditer tout ce que la pianiste a enregistré de Chopin pour cet éditeur en un Blu-ray glissé dans un petit coffret de 5 CD qui comprend les mêmes œuvres rajeunies sur le plan sonore par un nouveau report. Miraculeux d’y entendre les Préludes enfin débarrassés du son de ferraille qui les gâtait, comme des mazurkas, scherzos, polonaises, les deux concertos, et ses enregistrements avec Rostropovitch.

2. Parmi les disques préférés de la pianiste, il faut écouter les Scènes d’enfants et les Kreisleriana de Schumann chez DGG. Dans leur dernière édition, ils sonnent bien mieux qu’au temps du microsillon. Et aussi ses disques Prokofiev, Schumann, Bartók et Janácek enregistrés avec Gidon Kremer, modèles de dialogue aux forces parfaitement équilibrées qui laissent la musique s’épanouir d’une façon inoubliable.

Comment oublier ses disques avec Claudio Abbado ? Impossible de départager le Concerto en mi mineur de Chopin du Troisième de Prokofiev, du Premier de Liszt et du Concerto en sol de Ravel, toutes des interprétations fêtées depuis leur publication (DGG).

3. ’il existe plusieurs versions de studio et live des concertos de Schumann et de Tchaïkovski, une prise de concert remarquable sur le plan technique a été réalisée en Pologne et éditée sur CD par Accord. La Philharmonie nationale polonaise y est splendidement dirigée par Kazimierz Kord. Il faut aussi écouter le Troisième de Rachmaninov dirigé par Chailly et entré dans l’histoire depuis sa captation par Philips.

4. Il existe plusieurs Gaspard de la nuit par la pianiste, mais son fameux disque pour DGG enregistré en 1974 offre un équilibre miraculeux entre la perfection instrumentale et l’esprit sensuel et chaste, onirique et mortifère, attendu ici, comme les Valses nobles et sentimentales et la Sonatine défient les lois de l’analyse. Dans les mêmes années 1970, elle a livré une interprétation historique de la Sonate en si mineur de Liszt chez le même éditeur.

Son disque Bach, diversement apprécié lors de sa sortie, a pris du galon avec les années. Elle y conjugue verve et perfection de coupe dans la Deuxième Partita, la Deuxième Suite anglaise et la Toccata BWV 911 (DGG).

5. Parmi les disques qu’Argerich aime, il y a aussi Cendrillon de Prokofiev à deux pianos avec Mikhail Pletnev (DGG), dans un son d’une beauté à se damner. Et bien sûr son enregistrement avec Nelson Freire de La Valse de Ravel, des Variations Paganini de Lutoslawski et de la Deuxième Suite de Rachmaninov (Decca).

6. Le massif de la musique de chambre doit être exploré sans qu’il soit vraiment possible d’en extraire une réalisation plus qu’une autre. Interprétations prises sur le vif, partagées avec le public autant qu’avec les musiciens invités sur scène. Mais Haydn, Beethoven, Schumann, Brahms et Mendelssohn, sans parler de quelques raretés, sont à l’honneur avec quantité de jeunes et moins jeunes chambristes. Il faut fouiller dans le gros coffret des enregistrements à Lugano de Warner.