Pianiste 131, en kiosque depuis le 29 octobre, consacre un dossier exceptionnel à l’immense Martha Argerich.
On se demande toujours quel serait le meilleur angle pour aborder Martha Argerich. Comment la regarder. L’œil du chef opérateur s’attardera sur l’abondante chevelure argentée, la cascade de lumière – qui lui vaut le surnom félin prisé des journalistes de « lionne du piano » – qu’elle a eue noire de jais et même très courte, laissant apparaître les courbes gracieuses de son visage. Cette chevelure, sous laquelle elle apparaît et disparaît à sa guise…
Le romancier cherchera à pénétrer ses regards, ses éclats de rire, ses moues insaisissables, à éviter de sombrer dans les inévitables clichés, de la réduire à l’enfant prodige qu’elle a été, de révéler l’être prodigieux qu’elle est devenue, affranchi de ces carcans. Le mélomane écoutera toute sa discographie, s’émerveillera de son éloquence dans Schumann, mais aussi des musiques de Chopin, Tchaïkovski, Beethoven, qui par elle traversées, ne cesseront de le bouleverser, de l’entraîner dans ses mondes lointains. Il tentera de s’expliquer le miracle sans cesse renouvelé, au risque de dénaturer le geste qui n’appartient qu’à elle seule. Il sera ébloui par sa technique que l’on dit surnaturelle, tant « Martha » semble pouvoir tout réaliser, même si elle se défend bien d’avoir une technique séparée de l’interprétation, car ses morceaux sont livrés comme des univers en soi. Bien sûr, il ne pourra s’empêcher de l’appeler par son prénom.
Le passionné ira dénicher toutes sortes d’interviews qu’elle a pu donner à la radio et à la télévision. Il isolera ses phrases pour en faire ses nouveaux mantras.
Laissons alors à Martha les mots de la fin : « Comme disent les Argentins, l’expérience, c’est un peigne que tu donnes à un chauve. » « Il ne faut pas s’imiter soi-même. » « La musique est toujours nouvelle, c’est un peu comme l’amour. » « Il faut écouter la musique, ça sert à rien d’en parler. C’est au-delà des paroles. »