Reportage au Lille piano(s) festival qui s’est tenu du 18 au 20 juin dans une ambiance festive. 

Qui aura le rôle de l’éléphant ? La flûte ? La contrebasse ! Non. Aujourd’hui : le(s) piano(s) du duo Játékok

Dimanche 20 juin au Nouveau siècle, le duo Játékok ouvre la troisième et dernière journée du Lille Piano(s) Festival. Les mains des pianistes se joignent sur un même clavier pour jouer La Danse macabre de Camille Saint Saëns. L’ambiance n’est pas lugubre : Alex Vizorek commente la représentation musicale et provoque le rire des jeunes auditeurs auquel le concert est adressé. La danse s’achève. « C’est l’heure du carnaval ! Oui, mais des animaux. » A chacune des deux musiciennes, Adélaïde Panaget et Naïri Badal, son piano. Du lion au cygne en passant par le pianiste, les quatorze mouvements séduisent autant que les textes du conteur. Ici un enfant danse, là un autre mime des accords, des frères et sœurs battent la mesure en vrais maestros. Pourtant l’interprétation se fait au(x) piano(s), le récitant badinant que pour l’orchestre « c’est raté ». C’était sans compter l’imaginaire des enfants : le duo Játékok mérite sa baguette !

Cédric Tiberghien et Jean-Claude Casadesus

Crédit photo : Ugo Ponte/ONL

Voyages au soleil des sourires de Judith Jáuregui

L’après-midi au Conservatoire, Judith Jáuregui propose un récital particulièrement ensoleillé. Au son des œuvres de Beach, Gershwin, Ginastera, Lecuona et Villa-Lobos, le piano voyage et toute la salle avec lui. La soliste conduit les auditeurs de la fièvre d’une atmosphère jazzée à la noblesse des danses andalouses. Elle envoûte la salle et, sous une  pluie d’applaudissements et de bravos, revient sur scène : « C’est mon premier concert international depuis 9 mois. C’est très émouvant pour moi d’être ici en France, un pays que j’aime beaucoup […]. Après ce voyage exotique que nous avons fait, je veux finir dans mon pays avec Granada d’Albeniz. » Le public la suit, ravi.

L’infinie richesse de l’imaginaire par Pierre-Laurent Aimard

De retour au Nouveau siècle, Pierre-Laurent Aimard, quarante ans après avoir renoncé à « l’occasion historique » de créer Night Fantaisies de Carter, veut « enfin [se] revancher ». Artiste insomniaque, son œuvre suggère l’état de flottement d’un homme cherchant le sommeil. Le récit ne saurait être ordonné. Angoisses cauchemardesques, irruptions, interruptions, points d’interrogation… La conscience est mise à l’épreuve voire en danger. La Fantaisie en fa mineur de Mozart, est un fragment qui introduit à merveille un programme « déclinant le thème de l’inachèvement ». Après la versatilité de la Fantaisie n°3 de ce compositeur, les impressions d’improvisation de la Fantasy on Ïambic Rhythm de Benjamin, Pierre-Laurent Aimard nous révèle les secrets de La Fantaisie pour piano opus 77 « abracadabrantesque » de Beethoven : ses circonstances de composition.

Le piano, instrument omnipotent. Concert de clôture

Très attendu, le concert de clôture offre plusieurs émerveillements. L’Orchestre National de Lille propose une expérience immersive, Blow up. La commande auprès du compositeur Âke Parmerud et du metteur en ondes, Hervé Déjardin, est une allégorie de piano, célébrant cet instrument qui « semble pouvoir tout composer et tout jouer ». Uniquement écrite avec les sept « la » d’un piano, l’œuvre originale introduit le Concerto pour piano n°23 en la majeur de Mozart. Le pianiste Cédric Tiberghien, l’Orchestre de Picardie et Jean-Claude Casadesus à sa direction, sont bientôt rejoints par le chœur Régional des Hauts-de-France pour La Fantaisie chorale en do mineur, op. 80 de Beethoven. Leur entrée donne le ton : l’œuvre sera majestueuse. Bien que méconnue, la pièce est acclamée. Cédric Tiberghien et Jean-Claude Casadesus reviennent sur scène, joue contre joue, avant de reprendre en bis les dernières mesures de cette œuvre remarquable. Le maestro relève sa baguette et avec énergie s’exclame : « Allons-y ! »