Ces six sonates faciles pour piano du compositeur tchèque contemporain de Mozart expriment la quintessence du style classique.
Mais qui est Leopold Kozeluch ? Si son nom reste assez méconnu aujourd’hui, le compositeur bohémien (1747- 1818) inspirait autant d’admiration que ses illustres confrères – Haydn, Mozart et Beethoven – au XVIIIe siècle. Arrivé à Vienne en 1778, il acquit en peu de temps une forte notoriété en tant que compositeur, pédagogue et éditeur. Sa musique remplissait les domiciles des Viennois tout comme les grandes salles de Prague et de Londres, et sa réputation lui procura l’ancien poste de Mozart à la Cour impériale d’Autriche.
On fait l’éloge de « son style naturel et gracieux et (de) ses harmonies pures », note Charles Burney, l’éminent historien de l’époque. Pour ses contemporains, il fut incontestablement le compositeur le plus aimé de son temps, et ce lorsque Haydn et Mozart étaient au sommet de leur carrière ! Vient ensuite l’époque romantique, et les œuvres de Kozeluch, pleinement ancrées dans le style galant classique, passent de mode et tombent dans l’oubli. Or tout récemment, l’intégrale de ses sonates pour piano a fait l’objet d’une édition pionnière menée par le grand spécialiste baroque Christopher Hogwood avant sa disparition. De cette cinquantaine de sonates, six ont été choisies pour leur niveau accessible et leur valeur pédagogique, et sont réunies ici dans un volume destiné aux grands débutants et aux amateurs du style classique
Ces six sonates font la part belle aux valeurs classiques: équilibre formel, lisibilité harmonique et symétrie de phrase. On tombe d’emblée sous le charme des mélodies élégantes, lesquelles s’écoulent facilement sous les doigts, même si quelques éclats virtuoses nous invitent à relever le défi. L’absence de doigtés, seul bémol de cette édition soignée, demande toutefois de solides connaissances de l’instrument et un suivi pédagogique. Malgré cela, l’écriture se montre parfaitement adaptée et naturelle, comme l’illustre la Sonate n°37, qui incarne l’esprit élégant et vif, si valorisé à l’époque. Vigueur et lyrisme s’allient dans les deux thèmes du premier mouvement; la main droite brille aux côtés d’une main gauche riche et tout aussi expressive.

Kozeluch
Édition intégrale des
Sonates pour clavier, vol. 3,
par Christopher
Hogwood (Bärenreiter)
Si l’architecture et le discours demeurent simples, cela permet à un débutant de saisir les bases théoriques grâce à la limpidité des idées. Kozeluch, qui trouvait les capacités expressives du piano-forte supérieures à celles du clavecin, se révèle maître d’une expression épurée et délicate, ce qui correspond parfaitement à la légèreté de son instrument préféré mais aussi à la clarté du piano moderne. Si Haydn, Mozart et Beethoven se démarquaient par une forte individualité de style, Kozeluch, avec les sonates, dessine un beau panorama du style classique, qui réunit des traits fondamentaux développés de manière beaucoup plus radicale par ses confrères.
On voit dans les trois dernières sonates de ce volume une plus grande profondeurd’expression et une complexité où l’on croit entendre le chant exquis de Mozart et l’humour pétillant de Haydn. L’année Beethoven nous donne l’heureuse occasion de découvrir le patrimoine musical de cette époque en puisant dans des répertoires moins connus mais tout aussi fascinants. À l’instar des enquêtes menées par Jean-Efflam Bavouzet (The Beethoven Connection), Rudolf Buchbinder (The Diabelli Project) et d’autres, plongeons-nous aussi dans l’histoire, au temps d’une période florissante où les compositeurs, aujourd’hui célèbres ou tombés dans l’oubli, portaient tous haut la pensée lumineuse du XVIIIe siècle.