Pour célébrer le premier anniversaire de la mort de Nelson Freire, Dominic Fyfe, son producteur chez Decca, publie des prises de studio inédites, ainsi que des enregistrements publics qui n’avaient pas trouvé place dans le coffret « Radio Days », mais que le pianiste avait dûment choisis avant sa mort, espérant ainsi « ne pas être oublié ». Fyfe signe aussi le texte éclairant sur la façon dont Freire le taiseux travaillait en studio.

Commençons par les live. Captés quand Freire avait une carrière qui le conduisait partout dans le monde… mais pas plus de 50 à 70 fois par saison selon sa volonté expresse, le Concerto n° 2 de Brahms avec Horst Stein et l’Orchestre de la Radio de Francfort, le Concerto n° 1 de Bartók avec le même orchestre et Michael Gielen, la Burlesque de Strauss avec Zoltán Peskó et la Radio de Baden-Baden, pour ne rien dire d’un Concerto n°4 de Beethoven (cadences de Saint-Saëns) avec la Radio de Stuttgart et Uri Segal, dont la copie circule depuis longtemps chez les pianistes, sont autant d’interprétations incomparables où se conjuguent le jeu de piano superlatif d’un des géants de l’histoire de l’instrument et une implication musicale totale sans emphase et sans ego déplacé. Dans le concerto de Brahms, de la première à la dernière note, nous sommes embarqués par un soliste, un orchestre et un chef soudés en chaque seconde. Cette interprétation est l’une des plus belles de l’histoire de l’enregistrement. Celui de Bartók chante et swingue – ce qui est rare… – sans jamais être tétanisé ; très lent, le deuxième mouvement est d’une poésie incroyablement atmosphérique.

La Burlesque de Strauss, que Freire n’a jouée qu’une fois en public, est de la même eau : fulgurante pianistiquement et musicalement. Espérons qu’un jour seront publiés sa Totentanz avec Rafael Kubelik et la Radio bavaroise et son Concerto n° 1 de Bartók avec Pierre Boulez à Cleveland, entre autres choses déterminantes qui dorment dans les radios et les archives des orchestres du monde entier.

NELSON FREIRE, MEMORIES

Les enregistrements inédits 1970-2019

2 CD, DECCA

Passons au piano solo. Les prises puisées dans les archives de Decca sont sans doute moins essentielles, encore que l’« Andante favori » et la Bagatelle de Beethoven étaient inédits à son catalogue. Mais on aurait préféré que les Scriabine, Stravinsky, Brahms, Liszt ou encore Mendelssohn qui dorment à la Radio de Berlin, au Japon, en Finlande et ailleurs comme, par exemple, dans les archives de la Library of Congress de Washington, soient révélés au public.