Pour le premier volet de la 2e Biennale Pierre Boulez, la Philharmonie nous entrouvrait ses portes. Cinq concerts enregistrés du 19 au 23 janvier et désormais disponibles en ligne. Malgré les fauteuils vides, les musiciens s’adaptent. Le soir du 20 janvier, l’ambiance est fantomatique.
On nous mène au compte gouttes vers le premier balcon de la grande salle. Là, une cinquantaine d’auditeurs : salariés du lieu, journalistes, musiciens. Légère sensation d’entre-soi. Les musiciens s’installent, décontractés. Noir. Les projecteurs s’allument et isolent le chef, Klaus Mäkelä, et sept cuivres pour Initiale de Pierre Boulez. Arpèges montants obsessionnels. Étranges réminiscences de Walkyries wagnériennes…
L’orchestre applaudit, le public n’ose pas. Ce qui frappe, c’est le silence. Triptyque des Offrandes oubliées de Messiaen. La fervente poésie des volets extérieurs (Croix et Eucharistie) contraste avec le ton débridé du panneau central (Péché). Les cordes s’évaporent dans un calme mystique. On installe le piano, le triangle s’échauffe. Pierre-Laurent Aimard livre une version engagée du Concerto pour la main gauche de Ravel.

Crédit photo : Marco Borggreve
Remarquable construction de la polyphonie à une main. On perd parfois en clarté dans les tutti. « L’équilibre sonne bien en cabine », assure un voisin. Il faut dire que les musiciens jouent moins pour la salle que pour ses micros. Applaudissements fournis. 35 pupitres de chanteurs émergent à l’arrière-scène. La soprano soliste fait son entrée et nous tourne le dos. Débute le Soleil des eaux de Boulez : deux tableaux sur des poèmes de René Char. Difficile de percevoir le texte. La soliste acrobate est soutenue par un chœur Accentus convaincant. Debussy fait alors son entrée.
Étonnant : après ce programme, La Mer sonne presque classique! La magie orchestrale opère et achève de nous emporter dans l’électrisant final (version avec fanfares). Métro ligne 5. Trois violonistes en civil. L’un complimente : « Bravo pour ton solo, c’était… (grand geste) ». Eiichi Chijiiwa, violon solo, esquive : « Pas évident de doser, l’enregistrement diffère totalement de la réalité… » Espérons que le retour au partage n’en soit que plus intense !