Le pianiste Ukrainien Vadym Kholodenko nous propose une déambulation magnifique à travers la Sonate D 568 de Schubert. Comme une tentative d’exploration des possibilités du texte, avec une intention différente à chaque mouvement.
Le Menuet est magnifié par un ton informel, modeste, alors que le 1er mouvement et le Finale sont caractérisés par la sophistication du phrasé. Dans la coda de l’Allegro moderato puis dans l’Andante, Kholodenko s’affranchit du discours classique pour explorer le texte avec une science du son, et s’octroie une liberté rythmique pour créer une matière malléable, magnétique. Nous parlons d’un piano qui n’a guère d’équivalents en termes de beauté sonore pure, chaque mesure est un bonheur, mais il n’y a pas ici de geste unificateur.
Pour cela, peut-être faudra-t-il attendre que Kholodenko canalise son génie de caractérisation dans une seule direction, ou peut-être faudra-t-il accepter qu’une splendide errance dans la structure classique est un style en soi. L’Ukrainien rayonne dans la forme plus concentrée des 3 Klavierstücke D 946 de Schubert. Dans le premier, une réexposition du thème faite de velours. Dans le deuxième, l’incandescence de la partie centrale et la densité des pianissimi.

Crédit photo : Jean-Baptiste Millot
Kholodenko nous fait entendre une voix très personnelle dans Prokofiev : une vibration « scriabinesque ». Son Andante de la Sonate n°7 et sa Valse op. 32 sont de merveilleux nuages sonores aux milles détails. Cette valse, abandonnant tout éclat de premier degré, n’est plus que l’écho lointain d’un bal, et annonce l’esprit nostalgique des musiques de Sviridov, Desyatnikov ou Silvestrov (d’ailleurs joué en bis). Venons-en au point culminant du récital, le Precipitato de la Sonate n°7 de Prokofiev le plus hallucinant qu’il nous ait été donné d’entendre. Hallucinant par sa densité, par sa progression fondue en un seul mouvement, par une puissance de feu monumentale.
Paris, Salle Gaveau, 13 avril