Dans quel contexte s’inscrivent les « Contes fantastiques » de Juliette Dillon ?
C’est une œuvre majeure, le chaînon manquant dans le piano romantique français, avant Franck, Debussy… Elle a été écrite entre 1850 et 1853, avant la Sonate de Liszt (1853), avant Faust de Gounod. Elle est en lien avec la musique contemporaine française qui va advenir à la fin des années 1850-1860. Elle précède L’Arlésienne, Carmen et Les Pêcheurs de perles de Bizet. J’ai tout de suite eu un choc en découvrant les partitions de Juliette Dillon. C’est un cycle remarquable d’une heure quinze environ. Dix pièces conçues pour être enchaînées les unes aux autres, mais qui peuvent être jouées isolément.
Quel est le parcours de cette compositrice ?
Elle était organiste à la cathédrale de Meaux, comme beaucoup de bons compositeurs et compositrices. Ce qui l’inscrit pleinement dans une grande tradition musicale. Schumann était un grand organiste tout comme Mendelssohn, Liszt et tous les grands compositeurs français du XIXe siècle : Fauré, Franck, Saint-Saëns, Niedermeyer, Widor, Vierne… à l’exception de Berlioz et Gounod.
Quels sont les critères pour juger de la valeur d’une œuvre ainsi exhumée ?

Crédit photo : Matteo De Fina
C’est l’inspiration, tout simplement, qui se dégage de l’œuvre. Et la facture, la technique de la composition. Là, elle est vraiment aboutie. Les rappels thématiques
à l’intérieur de chaque conte sont tous parfaitement en place, les modulations s’inscrivent dans la tradition lisztienne, berliozienne. Ce qui m’a plu, c’est l’aspect novateur. Si j’avais découvert une musique écrite en 1850 mais qui aurait pu être écrite en 1815, cela ne m’aurait pas intéressé du tout. Je suis partisan de cette approche qui consiste à classer l’œuvre par rapport à son époque. Ici, on est face à une compositrice qui crée avec le langage le plus à la pointe et qui s’inspire des Contes d’Hoffmann. Offenbach s’est servi plus tard des mêmes thèmes.