Cet été, Pianiste vous entraîne sur la route des festivals. Première escale au milieu des vignes, au festival Musique et vin au Clos Vougeot, pour déguster les grandes œuvres du répertoire chambriste.

La silhouette altière du château du Clos de Vougeot surgit au milieu des vignes caressées par le premier soleil d’été. S’il ne se destine plus à la production du vin aujourd’hui, l’édifice historique (ses premières fondations datent du XIIe siècle), qui a été longtemps l’une des places fortes du vignoble bourguignon, en reste aujourd’hui une figure emblématique.

Convivialité, excellence et amitié

Entre ses murs se tient le festival Musique et vin au Clos Vougeot, créé sous l’impulsion de Bernard Hervet, professionnel du vin, et Aubert de Villaine, héritier du domaine de la Romanée-Conti. Ici le duo cultive la convivialité, l’excellence et l’amitié. C’est d’ailleurs un autre duo d’amis et fidèles de la manifestation qui occupe depuis deux ans la mission de conseiller artistique : le violoncelliste Gautier Capuçon et le pianiste Jean-Yves Thibaudet.

Dégustation dans la cuverie du
Château du Clos de Vougeot

Crédit photos : SDP

Charles Coquet, présente son métier de luthier

Le plus américain des solistes français a d’ailleurs des racines bourguignonnes puisque sa famille vient de Saint-Romain et qu’il a été, comme l’exige la tradition, baptisé au pommard. C’est lui qui a introduit son ami violoncelliste dans l’univers des grands vins, ce que confie Gautier Capuçon au micro de Radio Classique, dans un studio installé au sein de la cuverie historique du château, tandis que le public se délecte de vins d’exception.

C’est l’heure de la dégustation et, en préambule du concert, les vignerons présentent leurs grands crus tandis que le luthier Charles Coquet initie les curieux aux secrets de fabrication des violons devant une table garnie d’outils, moules et canifs…

Mendelssohn pétillant

Une fois les palais égayés, le public se dirige vers le cellier, vers d’autres joies. Les deux directeurs artistiques s’associent au violoniste Nikolaj Szeps-Znaider, également directeur de l’Orchestre national de Lyon, pour interpréter le Trio n°1 de Mendelssohn, le plus célèbre, composé en 1839, aux inflexions schumaniennes.

Les trois musiciens, habités par une fièvre romantique, traduisent habilement les changements d’humeur soudains de cette œuvre qui ressemble à une traversée à travers tous les états du cœur, avec de brusques ruptures de ton d’un mouvement à l’autre.

L’énoncé du premier thème, une longue phrase au violoncelle, met en relief tout le lyrisme de Gautier Capuçon, sa sonorité puissante et boisée. Il est accompagné par un piano haletant qui nous régale dans l’Andante et façonne délicatement cette irrésistible romance.

Soulignons cette patine unique de Jean-Yves Thibaudet, sa sonorité riche et soyeuse, qui nous enchantera tout au long du concert. Une interprétation portée par le violon souverain de Nikolaj Szeps-Znaider, dont l’intensité dramatique ne faiblit pas une seconde, jusqu’au Finale pétillant, en passant par le Scherzo au climat fantastique.

Un concert aux qualités d’un grand meursault

On bascule dans un autre registre avec le Trio n°2 de Chostakovitch. Le premier mouvement est spectral, mystérieux.

Nikolaj Szeps-Znaider (violon), Jean-Yves Thibaudet (piano)
et Gautier Capuçon (violoncelle)

Après la vivacité de l’Allegro con brio, le Largo développe un dialogue plaintif, désolé, entre violon et violoncelle, ponctué par les accords du piano, profonds, immuables, poignants sous les doigts de Thibaudet. Pour finir, le très célèbre dernier mouvement est abordé dans un tempo modéré, qui a pour effet de souligner l’ironie du discours, l’aspect déformé, grotesque de cette danse macabre.

Osons la comparaison, ce concert aurait les qualités d’un grand meursault, à la fois dense et structuré, mêlant habilement fraîcheur et puissance aromatique…