Le premier enregistrement de la jeune pianiste, « Lost Paradises » (Scala Music), est l’une des très belles surprises discographiques de ces derniers mois.
Une enfance à la campagne, non loin de Lyon. Une famille simplement mélomane et, par chance, un modeste piano à la maison… Vers 6-7 ans, une vraie histoire d’amour commence pour Jodyline Gallavardin. Le monde de la musique s’ouvre à elle grâce à un instrument dont la pratique lui est toujours apparue depuis comme « une évidence », confortée par le fait que tout au long de ses années de formation elle a eu « la chance de croiser des professeurs d’une grande humanité ». « Excellent guide, d’une grande bienveillance », Hervé Billaut conforte et encourage la jeune musicienne au CRR de Lyon. Après un enrichissant passage au CRR de Saint-Maur-des-Fossés dans la classe de Christophe Bukudjian, la voilà prête à faire son entrée, à 17 ans, au CNSMD de Lyon.
Recherche sonore
Jodyline Gallavardin y travaillera avec Marie-Josèphe Jude en particulier. Rencontre d’évidence essentielle. « Elle m’a fait reprendre ma technique à la base. Elle m’a surtout parlé de son, de timbre. Nous avons travaillé sur les textures ; elle m’a ouvert les oreilles sur des choses que je ne percevais pas forcément et m’a amenée à un travail de recherche sonore très approfondi. » Côté chambriste, le CNSMDL permet à la jeune artiste bénéficier des conseils du compositeur Franck Krawczyk – ses choix de répertoire s’avèrent parfois inattendus mais toujours stimulants ! – et de ceux de Dana Ciocarlie dont la démarche, extrêmement pédagogique, lui « fait du bien » en mêlant liberté et rigueur.
Dans la forêt suédoise
Un petite cité perdue en pleine nature suédoise, soixante centimètres de neige : cadre inattendu pour une masterclasse de piano. La rencontre de Jodyline Gallavardin avec Julia Mustonen-Dahlkvist au Ingesund Piano Center d’Arvika en 2019 est de celles qui marquent et infléchissent un parcours musical de manière décisive. De masterclasse, l’expérience se mue bientôt en une résidence d’un an que la survenance de la crise sanitaire prolongera jusqu’à l’été 2021. Autant dire que la pianiste dispose de tout le temps requis pour faire son miel des conseils de la célèbre pédagogue. « Un travail vraiment extraordinaire ; son approche du geste technique est complètement reliée à l’aspect musical, à la concentration de l’énergie dans le son. » Pas de grille d’enseignement standard ; Julia Mustonen-Dahlkvist s’adapte à la personnalité de chacun de ses élèves. « Elle a compris que la métaphore marche très bien chez moi ; elle est très ouverte à la discussion. La résidence au Ingesund Piano Center comble la pianiste sur le plan musical et, dans le temps figé des mois de pandémie, apporte beaucoup de mouvement aussi dans son quotidien. Férue de randonnée, elle profite en effet de longues heures de marche dans des paysages magiques, totalement préservés.

Biographie express
1992 Naissance à Lyon
2015 Master de piano au CNSMD de Lyon
2017 Master de musique de chambre
au CNSMD de Lyon
2019 Résidence d’un an
au Ingesund Piano Center en Suède
2022 Sortie de son premier album, Lost Paradises
actus
3 sept. Live sur Génération France Musique
13 au 25 sept. Tournée au Brésil
30 sept. au 2 oct. Concerts au Louvre-Lens
Voyage initiatique
On imagine en écoutant le disque Lost Paradises que nous offre Jodyline Gallavardin à quel point ce contexte a pu le nourrir. « J’aime le principe du florilège. Ce thème des paradis perdus, qu’il a fallu ensuite préciser, existait déjà confusément dans mon esprit. En y repensant, je me dis que les Irish Legends de Cowell et La Valse de Ravel, placées à chaque extrémité de l’enregistrement et qui se répondent si bien, ont sans doute été à l’origine du projet. Un début et une fin entre lesquels j’ai construit mon programme. » Au cours de ce qu’elle décrit comme un « voyage initiatique », la pianiste a fait appel à Amy Beach (The Hermit Thrush), Schubert-Liszt (Auf dem Wasser zu singen), Granados (Quejas o la Maja y el Ruiseñor), Séverac (Les Muletiers devant le Christ de Llivia) – un compositeur qu’elle aime profondément, découvert il y a quelques années grâce au Palazzetto Bru Zane lors d’un stage à l’Académie Ravel de Saint-Jean-de-Luz. Quant aux 5 Pièces op. 75 de Sibelius, chacune inspirée par une essence d’arbre, on croit sans mal l’interprète quand elle dit en avoir percé la secrète poésie dans la solitude de la nature suédoise.
Il faut battre le fer… De retour en France et avant même d’avoir trouvé un éditeur, la pianiste se lance ! Avec la précieuse complicité de François Eckert au son et à la direction artistique, elle enregistre ses Lost Paradises. Quelque temps après, elle frappe à la porte de Rodolphe Bruneau-Boulmier, responsable de Scala Music, le label de La Scala-Paris et lui présente son master : enthousiaste, il décide d’en faire la deuxième référence de son catalogue. En concevant son disque, Jodyline Gallavardin aspirait à « raconter une histoire » en musique. Pari gagné, avec une poésie infinie.