La pianiste japonaise a enregistré une superbe transcription de la 9e Symphonie de Beethoven. Elle nous parle des instruments de sa vie.

Mon piano d’enfance…

Notre piano familial, un Yamaha droit, m’a accompagnée lors de mes premiers pas dans mon parcours instrumental à l’âge de trois ans et demi. Ma mère, pianiste amateur, s’est fortement inspirée de la méthode Suzuki, qui met au centre la musique classique dès la naissance afin qu’elle se développe comme une langue maternelle chez l’enfant. Je baignais dans cet univers nuit et jour dès mes premiers mois et la musique est alors devenue aussi indispensable que l’oxygène ! Très jeune, j’ai eu la chance de pouvoir construire une carrière à travers des récitals et des concerts avec orchestre. À cet âge, je ne connaissais pas encore le trac de la scène, un mal nécessaire que j’ai dû apprendre à surmonter en tant que jeune adulte ! Enfant, jouer n’était qu’un pur et simple plaisir.

Mon piano de travail…

Crédit photo : SDP

Je partage mon temps entre un Yamaha au Japon et un Seiler à Paris qui appartenait à l’ancien propriétaire de mon domicile. Ça peut surprendre, mais je n’ai jamais donné trop d’importance au choix de mes pianos. Avoir un piano de rêve à la maison n’est pas essentiel car notre travail consiste surtout à transformer le piano, à donner l’illusion que cet instrument percussif peut chanter. J’ai approfondi cet aspect lors de mes études avec Bruno Rigutto. La poésie de son jeu incarne l’immense capacité lyrique du piano. Ce travail d’illusion m’a également servi pour préparer l’enregistrement de la 9e Symphonie de Beethoven. Il fallait d’abord comprendre la complexité orchestrale de l’œuvre et les couleurs très particulières de chaque instrument, en imitant par exemple les timbres perçants de la flûte ou le caractère très humain du hautbois afin d’exploiter le potentiel sonore du piano.

Mon piano idéal…

C’est un instrument qui sait répondre à mes exigences de timbre et de sonorité et dont la palette de couleurs correspond également à mon répertoire, où les œuvres de Chopin occupent une place primordiale. J’apprécie avant tout la luminosité et la souplesse mécanique, qualités que possèdent tous les beaux pianos – les Steinway, Fazioli, Yamaha (surtout le dernier CF-X) et Bechstein, marque que j’avais choisie pour mon disque récent sur Moritz Moszkowski. Un excellent piano donne un nouveau visage à chaque œuvre, ce que j’ai voulu faire avec la 9e Symphonie de Beethoven : sculpter chaque son, donner une identité à chaque timbre, mettre en relief l’orfèvrerie de l’écriture, pour rendre plus humain et plus personnel ce chef-d’œuvre.