Le Russe a convoqué pour son dernier opus trois grands compositeurs de nationalités et d’époques différentes. Il se révèle un parfait maître de cérémonie.
Mon piano d’enfance
Comme beaucoup d’entre nous, j’ai commencé sur un piano droit – dans mon cas, un vieux modèle de la marque Kuban dont le nom fait référence au fleuve de ma ville natale. Nous n’avions aucun musicien dans la famille, mais je jouais pour le plaisir et pour ma grand-mère qui aimait m’écouter. La vocation de pianiste s’est manifestée plus tard, vers l’âge de 13 ans. Or, la découverte des sonorités d’un piano à queue fut un véritable choc. Je me souviens du bonheur ressenti à 9 ans en jouant pour la première fois un piano à queue Förster. Ou bien la beauté sonore d’un Steinway qui m’a bouleversé lorsque je participais à un concours pour enfants deux ans plus tard.
Mon piano de travail

Crédit photo : Slava Novikov
Étant artiste Yamaha, je travaille souvent au Yamaha Center où j’ai la chance de jouer sur les nombreux modèles de la maison. Le travail acoustique est toujours différent, tout comme les identités uniques de chaque instrument. C’est une belle source d’inspiration. Il faut être réceptif, prêt à adapter rapidement son toucher et son approche à l’instrument, ce qui est essentiel pour le métier du pianiste. Je travaille aussi sur les Steinway et les Bösendorfer, plus rarement sur les Bechstein. Or, le timbre naturel et argenté du Yamaha me séduit. Sa palette de nuances aussi, qui permet de grands contrastes entre forte et piano. Le répertoire de Debussy, par exemple, se marie parfaitement avec la légèreté d’un Yamaha et toutes les possibilités de couleurs qu’il offre.
Mon piano idéal
Il est aussi impossible de trouver un piano idéal qu’un interprète parfait ! Chacun possède une personnalité distincte, une âme qui n’est qu’à lui seul. Ceci dit, j’ai pu jouer sur des instruments magnifiques qui m’ont marqué. Comme le Yamaha au Concours Tchaïkovski qui m’a dévoilé les plus beaux pianissimos que j’ai pu réaliser. C’était un piano vraiment unique, le même qui a été proposé au Concours Chopin auparavant. Masahiro Michimoto, l’excellent technicien qui travaillait sur l’instrument, décrivait très justement son caractère – discret et timide, mais qui peut s’épanouir si l’on détient la clé.
Le piano du xxe siècle
Il est devenu plus puissant, en réponse à l’évolution des salles de concert, plus grandes qu’avant. Au temps de Prokofiev et Barber, le piano était aussi celui de Debussy, figure immense dont l’influence est palpable dans la façon dont les compositeurs suivants ont écrit pour l’instrument. On entend cette délicatesse dans les enregistrements de Prokofiev jouant quelques-unes de ses Vision fugitives. Pour mon album consacré aux trois compositeurs cités, j’ai voulu créer un univers sonore bâti sur les voix uniques de chaque compositeur mais aussi les résonances qui leur étaient communes. Une recherche rendue possible par les timbres si lumineux et aérés du Yamaha choisi pour l’enregistrement

Crédit photo : Slava Novikov
Debussy, Prokoviev, Barber
Fuga Libera
Le jeune lauréat du Concours Tchaïkovski est notre guide dans cette exploration fascinante qui met en lumière les multiples facettes du piano au cours du XXe siècle. Restant fidèle à l’écriture subtile de Debussy, le pianiste restitue avec finesse les sonorités limpides et fluides du premier cahier des Préludes avant de pénétrer le monde fantasque des Visions fugitives. Un Prokofiev tantôt délicat, tantôt mordant révèle le jeu cristallin de Konstantin Emelyanov qui saisit à bras-le-corps la monumentale Sonate de Barber, lecture virtuose et intelligente qui conclut ce récital remarquable.