Du Steinway de son enfance au Yamaha joué pour ses « visions fugitives » de Prokofiev (mirare, 2021), la jeune pianiste revient sur les instruments de sa vie…
Mon piano d’enfance
Jusqu’à ce que je déménage pour mes études, j’ai joué et travaillé sur le piano de mon père, un Steinway A datant de 1935. Son histoire est assez singulière et obscure, puisqu’il s’agit d’un « trophée de guerre », que mon grand-père a récupéré à Moscou après 1945. Ce piano appartenait probablement à une famille allemande. Il a ensuite émigré avec mes parents en France dans les années 1990 pour y rester. J’ai grandi avec cette sonorité si particulière des anciens Steinway, chaleureuse et chantante, avec un clavier bien plus léger que celui des pianos modernes. Aujourd’hui, ce piano, que l’on n’a d’ailleurs jamais restauré, est semblable à un vieux grand-père que je retrouve avec la plus grande joie quand je rends visite à mes parents. Et il y a certaines choses qui pour moi sonneront toujours mieux sur ce piano que
sur n’importe quel autre instrument !
Mon piano de travail

Crédit photo : Anne Bied
J’habite en ce moment à Berlin et je travaille sur un Yamaha GC1 que j’ai hérité d’une amie qui a déménagé. C’est un parfait outil au quotidien, qui n’a peut-être pas une sonorité des plus inspirantes, mais qui offre une mécanique très confortable, comme la plupart des Yamaha pour moi, et me permet autant de lire que de peaufiner mon répertoire, sans que j’aie à batailler pour un rendu particulier. Mon piano pour « Visions Fugitives » Pour mon enregistrement j’ai choisi un Yamaha CFX. C’est un modèle que je trouve extraordinairement fiable. Comme le répertoire du disque est assez hétéroclite, avec aussi bien Chopin, Bartók, Prokofiev, que Liszt, je souhaitais un piano auquel je puisse m’adapter le plus facilement possible, et qui puisse également offrir une large palette de couleurs. Or, ce Yamaha peut justement aller du plus doux des pianissimi à des forte fracassants sans que cela requière un effort surnaturel. Il possède en outre une
répétition facile et répond à beaucoup de ce que je souhaitais entendre dans les œuvres que j’enregistrais.
Mon piano idéal
Je serais tentée de dire qu’il n’existe pas… puisque souvent je me rends compte qu’il faudrait un piano différent selon le compositeur, voire
selon la pièce interprétée. Avoir un superbe piano à disposition pour un concert est parfois frustrant car on a généralement très peu de temps pour s’y adapter. Malgré le travail fourni, un piano différent au concert entraîne forcément des compromis. Le piano idéal serait donc celui que l’on possède, celui qu’on transporte avec soi, sur lequel on travaille constamment, à l’instar des instrumentistes à cordes. Ce que certains pianistes comme András Schiff, Krystian Zimerman, Angela Hewitt font déjà par ailleurs ! Il faudrait seulement trouver un moyen de transport qui n’augmenterait pas drastiquement l’indice carbone du pianiste !
Propos recueillis par Nicolas Mathieu
✔ Disque Liszt, Prokofiev, à paraître le 3 sept. 2021 chez Mirare