Ce coloriste du clavier qui vient de faire paraître un album de pièces courtes et intimistes du maître de Bonn revient sur les instruments de sa vie.

Votre piano de travail

J’ai deux pianos dans mon studio : un Steinway D et un Yamaha C7. Je fais la plupart de mon travail de base sur le Yamaha, dont la sonorité neutre me permet de faire table rase et d’explorer mes propres idées de couleurs sans être influencé par celles du piano. La recherche de couleurs m’a toujours fasciné par sa nature évolutive et par sa capacité à se transformer selon le répertoire, l’instrument et même les expériences de vie ! La musique de Schubert, par exemple, nous fait découvrir une richesse de nuances ouatées. Celle de Beethoven impressionne par son immense éventail d’approches – contraste et drame dans ses sonates, tendresse et introspection dans ses surprenantes Bagatelles. Une fois le travail de base terminé, je retourne à mon Steinway et à ses couleurs envoûtantes.

Celui de votre enfance

Crédit photo : Kaupo Kikkas

Avant d’avoir un instrument à la maison, je me faufilais dans la grande salle de l’école, où il y avait un piano droit Danemann, un modèle assez courant dans les établissements scolaires anglais de mon enfance. Ensuite, j’ai travaillé sur de nombreux Yamaha à la Chetham’s School of Music et sur un piano droit Rogers que mes parents ont acheté plus tard. À l’époque, mes préférences pour certains claviers venaient intuitivement. C’est seulement plus tard que les subtilités du mécanisme et de l’instrument ont été consciemment intégrées à mon travail. Mes préférences de répertoire changeaient aussi avec les pianos sur lesquels je travaillais. Jeune, j’étais très attiré par des œuvres virtuoses russes, le répertoire classique ne m’intéressait pas! Mais avec la découverte de pianos polyvalents et plus raffinés, les compositions de Mozart, Beethoven et Haydn sont devenues mon pain quotidien.

Le clavier idéal

Celui-ci doit me subjuguer par son caractère et sa sonorité. Rien de trop lourd au niveau du toucher car cela empêche de jouer rapidement et doucement en même temps, mais juste ce qu’il faut pour ressentir le contact avec le son. Les pianos d’hier me fascinent particulièrement. J’adorerais avoir un Bechstein des années 1910-1920 ou un Steinway D du tout début du XXe siècle, deux périodes exceptionnelles, dont les univers sonores sont complètement distincts. Cela dit, je n’abandonnerai jamais mon Steinway D. C’est un instrument extraordinaire, fabriqué en 1982. Il possède la richesse et l’ampleur sonores de cette époque. Ce piano m’enchante. Il est, à tous les égards, mon idéal.

Propos recueillis par Melissa Khong