Après des « Variations » de Beethoven très remarquées, le musicien nous offre pour ses 30 ans un Mozart pétillant et gracieux.
Mon piano d’enfance…
Après avoir joué mes premières notes sur un vieux piano droit de ma grand-mère, j’ai débuté sur un Hohner, notre piano familial acheté par ma mère qui avait eu l’envie de s’y remettre avec moi. Lorsque j’ai entamé mes études au CRR de Paris, mes parents ont pu acquérir un Kawai KG3 lors de la vente aux enchères d’instruments au CNSM. C’était un très bon piano qui m’a accompagné jusqu’à ma sortie du CNSM. Toutefois, son état fragile pouvait entraîner des événements imprévus, comme le jour où je me suis retrouvé à travailler la Campanella de Liszt avec des cordes cassées !
Mon piano de travail…
Vers quatorze ans, je me sentais freiné par les limites de mon instrument au moment où je voulais affiner et développer mon jeu. C’était frustrant de me trouver devant un excellent piano pendant mes cours sans avoir pu y faire ce travail en amont. Un prêt étudiant m’a aidé dans l’achat d’un Yamaha C3X qui est resté mon partenaire quotidien jusqu’à présent. Sa rondeur de son m’a séduit d’emblée. Mais le confinement, vécu à Vienne où je suis installé, a imposé à son tour d’autres obstacles. J’étais obligé de me procurer un piano droit silencieux afin de pouvoir travailler chez moi sans entrer en conflit avec le voisinage !

Crédit photo : Caroline Doutre
Mon piano idéal…
Je pense l’avoir trouvé lors de mon enregistrement consacré à Beethoven, un Steinway D-274 qui chantait incroyablement sans une once de dureté ni brillance facile. Sa mécanique plus lourde m’a permis de travailler dans la profondeur et par le poids du toucher. L’instrument était tout ce dont je rêvais. Je dois admettre que je me sens beaucoup plus à l’aise sur un Steinway, comme beaucoup de musiciens. Or, être pianiste aujourd’hui, c’est aussi oser prendre des risques, ce qui ne fait qu’enrichir notre pratique. D’autant plus que l’offre instrumentale est exceptionnelle.
Le piano pour jouer Mozart…
Interpréter Mozart, c’est d’abord interpréter le texte. Ses partitions nous offrent un schéma d’œuvre plutôt qu’un chemin d’interprétation. Il faut savoir négocier le texte, ce qui est facile à dire et si difficile à faire ! S’il vaut mieux renoncer aux idées préconçues, il y a toutefois des exigences pianistiques qui s’imposent – un toucher perlé, une belle longueur de son dans le registre médium-aigu où se trouvent les thèmes de Mozart… Pour mon enregistrement, je me suis tourné, sur les conseils de Torben Garlin, vers un Bechstein aux timbres cuivrés dont l’évocation du cor et la grande palette d’expressivité m’ont conquis.
SÉLIM MAZARI, Mozart. Concertos 12 & 14, Rondo K. 382, Mirare
➜ Un Mozart printanier, aux inflexions charmantes et à l’esprit allègre. Sélim Mazari nous propose ce regard doux à travers trois œuvres viennoises, mariant grâce et bonté dans une rhétorique fidèle au style galant. Ainsi érige-t-il, aux côtés de Paul Meyer et son orchestre de chambre de Mannheim, un monde idéal où nuage et noirceur sont bannis et où les paradoxes de cette musique se dissipent dans un souci de limpidité. Ce qui laisse rayonner cependant le jeu intime et modeste de l’interprète.
