En 2021, il avait enregistré sur un Érard de 1891 un « Concert retrouvé » de Proust. Il revient au disque avec l’un des compositeurs préférés de l’écrivain.

Mon piano d’enfance…

Le Pleyel de mon grand-père fut le piano sur lequel j’ai fait sonner mes premières notes. J’avais 6 ans. C’est un bel instrument du début du xxe siècle – un meuble magnifique aussi, décoré de chandeliers! À la mai- son, je travaillais sur un piano droit Blondel qui ne m’avait pas passionné. Mes parents ont pu m’offrir un piano à queue, un Sauter d’occasion qui m’a accompagné une bonne dizaine d’années quand j’étais élève au Conservatoire de Boulogne- Billancourt. Cela m’a permis d’entamer un travail plus pro- fond dans le timbre et dans la recherche sonore. Mais je garde les souvenirs les plus heureux du Pleyel de mon grand-père, ma madeleine de Proust en quelque sorte!

Mon piano de travail…

Depuis plus de dix ans, je travaille sur un Yamaha S4, d’une belle luminosité sonore qui m’a d’emblée séduit. Mon rôle de chef de chant à l’Opéra de Paris est très complémen- taire de mon travail de soliste. Écouter les chanteurs, créer une image sonore symphonique au piano – tout cela apporte énormément à mon jeu. C’est une autre démarche, qui demande un regard plus englobant, sans s’attarder sur des détails comme le métier de soliste l’exige. Il faut d’ailleurs mettre son ego de côté pour se fondre dans une pensée musicale qui n’est pas forcément la sienne. Mais c’est tout aussi passionnant.

Mon piano idéal…

Je rêve de pouvoir m’offrir un Steinway B, mais il va me falloir d’abord de la place ! Les Steinway sont de beaux instruments, avec des registres très distincts tout en gardant un bel équilibre dans l’ensemble. Or j’ai une grande passion pour des marques plus discrètes que nous ne voyons guère sur scène, faute d’un marché monopolisé par les Steinway et les Yamaha. Les pianos Blüthner, par exemple, sont des instruments merveilleux pour jouer Debussy ou Liszt. Et quand je vais à Bayreuth, je ne manque pas de faire un tour chez Steingraeber pour admirer leurs beaux instruments. Ce sont des maisons familiales qui méritent d’avoir davantage de visibilité.

Le piano pour jouer Franck…

Certains pianistes trouvent l’écriture de Franck peu adaptée au piano : il y a un lyrisme permanent dans sa musique et une grande richesse harmonique et spirituelle. L’image de l’orgue est très présente, d’où aussi l’apparence d’une certaine verticalité. Or il faut également chercher de la transparence, de la limpidité. Alors, la rondeur des graves est tout aussi importante que les aigus scintillants. Elle est fascinante, cette recherche d’un équilibre idéal entre force et ductilité.

TANGUY DE WILLIENCOURT
César Franck
Les Djinns.
Variations symphoniques.
Triptyques pour piano
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Mirare

La sobriété et le lyrisme règnent dans ce bel hommage à Franck, où la lourdeur et l’austérité si souvent associées au compositeur sont bel et bien bannies. À la place, un discours d’une grande tendresse apporte à la fois légèreté et intensité à ces chefs-d’œuvre, auxquels est restituée une rare intimité. La plénitude de ces interprétations porte haut la spiritualité subjuguante de Franck à l’occasion de ses 200 ans.