Le pianiste islandais vient de sortir un album très personnel inspiré par sa rencontre à Budapest en 2021 avec le compositeur György Kurtág.
Mon piano d’enfance
Nous avions un Steinway dans notre salon avec lequel mon père composait et ma mère enseignait. Le piano était souvent pris et j’étais parfois jaloux des compositions de mon père et des élèves de ma mère ! Mes parents ont décidé d’installer un piano droit dans ma chambre, un vieil Hansen danois des années 1900. Il est devenu mon confident grâce à qui j’ai créé un univers à moi seul. Notre Steinway, qui était mal réglé et sonnait trop fort, a aussi été très formateur. Moi qui voulais reproduire les couleurs d’un Cortot et puiser dans les pianissimo, je voyais dans cette impossibilité un défi à surmonter, ce qui a fini par façonner mon jeu, mon sens de l’écoute et mon imagination. Mon piano de travail
Il n’y en a que trois chez moi ! J’ai un Steinway O de 1924 aux sonorités schubertiennes dans la salle à manger sur lequel mes garçons aiment pianoter après le dîner. Puis un Yamaha, ma machine à toute épreuve, qui m’est très cher car il était le premier piano que j’ai pu acheter. Thomas Hübsch me l’a totalement révisé, ce piano étant resté silencieux pendant les vingt ans précédant mon achat ! Mais mon véritable poète est un Steinway B de 2009, entretenu par Michel Brandjes. Il est magnifique, le meilleur Steinway B que j’aie jamais joué.

Mon piano idéal
C’est une question qui englobe quatre éléments : le piano, le technicien, l’espace sonore et enfin, celui qui le joue. Mon Steinway B, que je trouve assez idéal, l’est seulement parce qu’il bénéficie de l’expertise des meilleurs techniciens. Il en va de même pour les plus beaux pianos que j’ai pu connaître, hébergés dans les plus belles salles – le Carnegie Hall, le Royal Festival Hall, la Philharmonie de Berlin… J’aime les pianos qui réagissent à la moindre pression, comme celui de Glenn Gould, mais sans pour autant aller jusqu’à cet extrême. C’est une configuration dangereuse, je l’avoue, car le piano est très difficile à maîtriser !
Mes pianos d’enregistrement
Le choix d’enregistrer cet album sur deux pianos est à la fois un clin d’œil à mon enfance et une lettre musicale au compositeur hongrois György Kurtág, qui aime le son feutré du piano droit. Revenir à cet instrument modeste quand on est habitué à la brillance des Steinway fait découvrir un univers sonore plus intime, intuitif et humble. Il faut phraser autrement et chercher dans des sons plus confidentiels, tout en renonçant à certaines couleurs. Cette imperfection me séduit.
FROM AFAR
DG
Dédié à György Kurtág, le nouvel album de Víkingur Ólafsson imagine un dialogue intime entre le compositeur hongrois et ses confrères, de Bach et Schumann aux Islandais Birgisson et Kaldalóns. Un programme qui fascine par les résonances entre les écritures mais aussi entre celles de deux pianos différents – un Steinway de concert et un piano droit, muni d’une bande de feutre. L’inventivité du pianiste envoûte dans ce pari audacieux, tout comme son jeu onirique qui revêt ces œuvres d’une poésie raffinée.